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Le British Medical Journal étrille le fact-checking de Facebook : « inexact, incompétent, irresponsable ».

Les rédacteurs en chef du British Medical Journal, l’une des revues scientifiques les plus anciennes et respectées dans le monde, ont adressé le 17 décembre une lettre ouverte au vitriol à Mark Zuckerberg, patron de Facebook, dans laquelle ils contestent le fact-checking opéré par le réseau social à propos des révélations sur la falsification des données des essais cliniques du vaccin Pfizer, plus connues sous le nom de « PfizerGate ».

Le 2 novembre, le scandale du PfizerGate éclate.

En septembre [2021], Brook Jackson, ex-directrice régionale de Ventavia, l’un des sous-traitants de Pfizer en charge des essais cliniques du vaccin contre le Covid-19, déclarait au BMJ que l’entreprise texane aurait falsifié ses données, violé des règles fondamentales en matière de conduite des essais cliniques, et « mis du temps » à suivre les événements indésirables signalés dans l’essai pivot de phase III de Pfizer. Bien qu’informée de ces mauvaises pratiques, la FDA n’a mené aucune inspection des sites de Ventavia, apprenait-on également. A l’appui de ses accusations, Brook Jackson avait transmis au journal des dizaines de documents internes à l’entreprise, comprenant photos, enregistrements audios et emails.

Après examen juridique et revue par les pairs en vue de satisfaire à son haut niveau d’exigence éditoriale, le BMJ publiait le 2 novembre [2021] le rapport à l’origine du PfizerGate, écrivant :

« Le témoignage d’une personne travaillant sur ce site soulèverait « de sérieuses questions sur l’intégrité des données et la surveillance réglementaire ».

NEW: Our latest investigation hears from a whistleblower engaged in Pfizer’s pivotal covid-19 vaccine trial. Her evidence raises serious questions about data integrity and regulatory oversight https://t.co/Ho99hQhwRM

— The BMJ (@bmj_latest) November 2, 2021

Le BMJ dénonce un fact-checking fallacieux de Facebook.

Le 10 novembre [2021], les lecteurs qui souhaitaient partager ce rapport sur Facebook ont commencé à signaler des problèmes, voyant à côté de leur post une étiquette : « Manque de contexte. Des vérificateurs de faits indépendants disent que ces informations pourraient induire les gens en erreur. » D’autres ont été informés que les utilisateurs qui postaient de « fausses informations » verraient leurs contenus rétrogradés sur le fil d’actualité du réseau social. Quant aux administrateurs même du compte BMJ, ils ont reçu de Facebook un signalement selon lequel ce genre de post était « partiellement faux ».

Par ailleurs, les lecteurs étaient ensuite redirigés vers un site de fact-checking employé par Facebook : Lead Stories. Le BMJ écrit dans sa lettre que la vérification faite par la firme est non seulement « inexacte » et « incompétente », mais aussi « irresponsable », estimant qu’en plus de n’apporter aucun élément factuel permettant de démontrer que la revue s’était trompée, le titre donné au fact-checking est absurde : « Le British Medical Journal n’a PAS révélé de rapports d’anomalies compromettants et ignorés dans les essais cliniques du vaccin Pfizer contre le COVID-19. »

Outre l’URL du lien de l’article contenant les termes « alerte canular » et une capture d’écran comportant un tampon « erreurs vérifiées », les rédacteurs en chef ne cachent pas non plus leur désabusement devant la grossière erreur de Lead Stories qui, dès le premier paragraphe, se trompe en qualifiant la revue médicale britannique existant depuis 1840 de « site d’information d’actualités ».

Lead Stories répond.

Dans sa réponse au BMJ, Lead Stories s’estime pour sa part dans son bon droit puisque « le titre de l’article est effrayant, survendant le lanceur d’alerte et surestimant le danger ». Selon eux, un titre moins trompeur aurait été plus approprié puisque les affirmations du lanceur d’alerte ne concernent que trois des 153 sites sur lesquels le vaccin a été testé.

D’autre part, l’entreprise met aussi en question la crédibilité de l’ex-directrice régionale, ne la trouvant pas suffisamment diplômée, et justifie son action par le fait que de nombreux anti-vaccins ont relayé l’article, laissant ainsi courir le bruit que l’intégralité de l’essai clinique de Pfizer était frauduleux.

« Lead Stories » exprime également son inquiétude quant au fait que la publication ait coïncidé par inadvertance avec la circulation d’une fausse information selon laquelle le PDG de Pfizer aurait été arrêté pour fraude. Enfin, ils tiennent à relativiser la portée de leur acte, soulignant que l’étiquette « manque de contexte » constitue la mesure la moins pénalisante appliquée par Facebook.

Un fact-checking partisan dénoncé sur les réseaux sociaux

Lead Stories n’abordant, sur le fond, ni l’affaire du PfizerGate, et, sur la forme, ni les points soulevés par la revue, cette affaire en a amené plusieurs à dénoncer un parti pris biaisé de Facebook.

Ainsi, Robert Malone, inventeur de la technologie ARNm, a commenté sur Twitter : 

« Facebook censure maintenant le British Medical Journal parce que les nouvelles données scientifiques vont à l’encontre des mensonges et de la supercherie de Pfizer. »

Facebook Now Censoring the British Medical Journal Because New Science Goes Against Pfizer’s Lies and Deception https://t.co/J0hoR5CuDx

— Robert W Malone, MD (@RWMaloneMD) December 25, 2021

En France, le sociologue et directeur de recherche au CNRS Laurent Muchielli a, pour sa part, constaté un « exemple de la désinformation massive opérée par Facebook sur les internautes du monde entier, par le biais de son pseudo « fact-checking » ».

Exemple de la désinformation massive opérée par Facebook sur les internautes du monde entier, par le biais de son pseudo « fact-checking ». Réponse des éditeurs du British Medical Journal qui sont, eux, de vrais scientifiques https://t.co/R71nrm8jqs

— Laurent Mucchielli (@LMucchielli) December 21, 2021

Source : https://www.francesoir.fr/societe-science-tech/le-BMJ-etrille-le-fact-checking-de-facebook

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