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La « cinquième vague », nouvel épisode d’un feuilleton qui n’a que trop duré

Par Laurent TOUBIANA

Cet article constitue l’épisode 68 de l’enquête de Laurent Mucchielli sur la gestion politico-sanitaire de la crise. Publié le 25 novembre 2021 sur le blog du chercheur, il a été censuré par Mediapart dès le lendemain, et republié par Quartier Général. Il est également disponible au format PDF sur le site de l’IRSAN.

Résumé : Le mauvais feuilleton sanitaire continue. La petite musique d’un nouvel épisode épidémique à venir se fait de nouveau entendre. Ce serait cette fois la « cinquième vague ». Depuis plus d’un an et demi, la population française est soumise à un flot quasi continu de mauvaises nouvelles, qui servent à justifier des mesures aux impacts psychologiques, économiques, sociaux et politiques délétères.

Le scénario est maintenant bien rodé. En amont, il commence par des avis de scientifiques qui, alors que tout est supposé « sous contrôle », annoncent la possibilité du retour d’une nouvelle vague épidémique. Ces oracles sont bientôt confirmés par des données venant de pays plus ou moins lointains ; tout va bien en France, mais ailleurs c’est très grave. Les hypothèses de nos scientifiques s’avèreraient donc exactes. Les articles de presse pleuvent sur la panique engendrée dans ces pays et les mesures très dures en passe d’être mises en œuvre. Ces mesures nous paraissent démesurées, mais une petite voix nous dit qu’il faut se préparer à ce que ce soit bientôt notre tour. Enfin, Santé Publique France donne l’estocade et annonce à son tour une élévation « inquiétante de l’incidence » sans vraiment expliquer ni de quoi il s’agit exactement, ni en quoi elle est inquiétante. Cette information est immédiatement relayée par de puissants organes médiatiques. Elle est ensuite reprise par les autorités qui remettent en place des mesures contraignantes (masque obligatoire dans toutes les écoles et dans la rue de départements de plus en plus nombreux). « En même temps », le porte-parole du gouvernement nous assure de ne pas nous inquiéter. Cela inquiète encore plus car, à chaque fois qu’il ne faut pas s’inquiéter, nous pouvons être sûrs du contraire ; cela est en général confirmé quelques jours plus tard. Le nombre d’articles publiés sur la prochaine vague augmente et prépare le terrain. « Quelques dissidents » sont invités à s’exprimer pour faire bonne mesure car nous sommes en démocratie, juste le temps de les décrédibiliser incompétents, naïfs, inconscients, irresponsables, dangereux, complotistes.

Depuis toujours, une épidémie se caractérise essentiellement par le nombre de malades et de morts qu’elle provoque. Ainsi, ce que l’on appelle normalement « incidence » est le nombre de nouveaux malades en une semaine rapporté à la population, lequel permet d’évaluer la dynamique d’une épidémie de maladie transmissible à évolution rapide. L’arrivée des tests et la massification de leur utilisation dévoyée à partir d’août 2020 a permis de redéfinir l’essence même de la définition classique de l’épidémie. Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, les estimations de l’incidence à destination du grand public ne se réfèrent plus aux nouveaux malades ou morts engendrés par le virus mais à des porteurs de virus qui, à plus de 80 %, ne sont pas malades et ne le seront jamais. De fait, le nombre de porteurs de virus est beaucoup plus important que le nombre de malades ou de morts. Il est donc fallacieux d’utiliser le même mot « incidence » pour représenter une réalité différente de la définition communément admise par les épidémiologistes, l’incidence d’une pathologie.

Pourtant, l’incidence d’une pathologie est un outil élémentaire utilisé pour le suivi de toutes les épidémies sous surveillance depuis des dizaines d’années (dont la plus emblématique est celle des syndromes grippaux). Pourquoi n’est-il pas appliqué pour l’événement épidémique du siècle ? Probablement parce que les incidences de la maladie covid-19 (et non des tests positifs) sont tellement faibles qu’elles ne peuvent être décemment invoquées pour justifier les mesures de contrôle qui apparaîtraient à l’évidence disproportionnées : confinements généralisés de la population, port du masque obligatoire dans la rue, taux de couverture vaccinale aberrant, passe sanitaire. Si l’incidence « classique » était utilisée, les populations n’auraient plus peur et n’accepteraient pas ces mesures considérées dès lors comme extravagantes.

Fig. 1 : Évolution du taux d’incidence hebdomadaire pour 100 000 habitants de malades du Covid-19 et des décès liés au Covid-19

Source : Réseau Sentinelles, Santé Publique France, mise en forme IRSAN (cliquez ici pour visualiser et actualiser le graphique) – Champ : France métropolitaine

Note de lecture : la courbe rouge montre l’évolution hebdomadaire pour 100 000 habitants de malades du Covid-19 selon le Réseau Sentinelles (échelle à droite en rouge de 0 à 120). En mars 2020, cette courbe montre un maximum avec 140 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants. Lors du 4ème « pic » de cette courbe (début août 2021), l’incidence est de 31 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants. La courbe noire montre l’évolution du nombre hebdomadaire de décès testés positifs au Covid-19 pour 100 000 habitants source Santé Publique France (échelle à droite en noir de 0 à 10). Le point maximum est au début de la courbe avec 9,7 décès en une semaine pour 100 000 habitants début avril 2020.

Justement, quelles sont les valeurs de l’incidence du Covid-19 ? En France, sur les 90 semaines depuis le commencement de la crise du Covid-19, la plus forte incidence a été observée entre le 23 et le 29 mars 2020, au tout début de la crise (cf. fig. 1). Lors de cette semaine paroxysmique, 140 nouveaux malades pour 100 000 habitants ont été estimés par le Réseau Sentinelles (premier réseau de surveillance de maladies transmissibles en France) ; les autres sources de médecins généralistes de terrain, dits de premier recours, sont concordantes. Pour fixer les idées, 100 000 habitants, c’est environ la population d’une préfecture importante (Caen, Nancy, Avignon…). À titre de comparaison, le même réseau de médecins estimait dans les mêmes conditions à plus de 600 malades de syndromes grippaux en une semaine pour 100 000 habitants en moyenne lors des pics épidémiques des années antérieures depuis 20 ans. Pourtant, connues depuis des siècles, les épidémies de grippe ont toujours été désignées comme des épidémies « banales » alors que le tableau clinique de la grippe est considéré comme touchant les individus plus durement que celui du Covid-19 dans la plupart des cas. Depuis mars 2020, aucune autre semaine n’a montré une incidence du Covid-19 supérieure. L’amplitude des pics saisonniers de l’incidence du Covid-19, fin octobre 2020, fin mars 2021 correspondant à ce qui a été improprement appelé « vagues » n’a cessé de décroître. Pour la dernière, dite 4ème vague, début août 2021, l’incidence du Covid-19 a atteint le chiffre dérisoire de 31 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants (cf. fig. 1).

Il en va de même pour les hospitalisations et les décès. 31 nouvelles personnes avaient été hospitalisées et 9 sont décédées pour 100 000 habitants au cours de la semaine la plus impactée en 1 an et demi de crise.
Ces chiffres sont à peine crédibles tellement ils sont faibles. Toutefois ils sont cohérents avec ceux qui ont été publiés par l’ATIH et qui indiquent que seulement 2 % de l’activité des hôpitaux ont été consacrés au Covid-19 en 2020. Par ailleurs, nous avons montré ici même dès le mois de mars 2021 que cette période de crise sanitaire prétendue « majeure » n’avait provoqué aucune surmortalité pour les personnes âgées de moins de 65 ans, soit 80 % de la population française, et une surmortalité de moins de 4 % pour les autres.

De nombreux articles scientifiques ont montré que, sans pouvoir limiter l’épidémie, les mesures prises ont eu de nombreux effets délétères directs et indirects sur les individus et les populations. Ceux-ci ne font que commencer, comme la dégradation de l’état psychique, notamment chez les jeunes, la baisse du niveau scolaire ainsi que les conséquences sur la santé de la dégradation économique du pays suite à la politique du « quoi qu’il en coûte » décidée pour mettre en place le premier confinement et que les Français subissent du fait de l’augmentation de la facture énergétique. Quant au taux de couverture vaccinale aberrant avoisinant les 90 % de la population des plus de 12 ans, les autorités l’ont imposé aux populations en usant de méthodes d’intimidation ou de culpabilisation au motif de les protéger collectivement. Nous venons de montrer que l’impact réel en termes de morbidité et mortalité est extrêmement faible, mais cela ne suffit toujours pas, ces populations ayant déjà beaucoup souffert des mesures censées les protéger, doivent encore endurer un nouvel épisode de ce feuilleton insupportable.

Tous les chiffres cités sont disponibles pour le grand public, accessibles sur Internet. Ils crèvent les yeux mais décidément, ils semblent difficiles à voir.

Source : https://qg.media/2021/11/26/la-cinquieme-vague-nouvel-episode-dun-feuilleton-qui-na-que-trop-dure/

Article reproduit avec l’aimable autorisation de Laurent Mucchielli.


A propos de Laurent Toubiana

Épidémiologiste et expert dans les systèmes d’information en santé, il travaille au Laboratoire d’informatique médicale et d’ingénierie des connaissances en e-Santé (LIMICS), une unité mixte de recherche accréditée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il est le fondateur et directeur de l’Institut de recherche pour la valorisation des données de santé (IRSAN), une association qui propose ses analyses des données médicales relatives à certaines épidémies.

Laurent Toubiana est rangé parmi les quelques « iconoclastes » portant une voix discordante par rapport au discours officiel  : il postule la fin de l’épidémie et conteste le risque d’une éventuelle reprise épidémique ou « seconde vague ». Il intervient très régulièrement dans les médias soit lors d’interview soit lors de débats plus longs avec d’autres chercheurs (voir ici, par exemple), mais ses propos ne sont pas alignés sur la doxa officielle. Il cosigne avec le Pr Jean-François Toussaint et le sociologue Laurent Mucchielli les tribunes « Covid-19 : nous ne voulons plus être gouvernés par la peur ». Une autre tribune, publiée sur le blog de Laurent Mucchielli sur le site Mediapart, fait l’objet de commentaires après avoir été refusée par Le Journal du dimanche.

Il participe au documentaire Hold-up.

En mars 2021, il publie sur le site de l’IRSAN une étude dans laquelle il affirme que l’épidémie de Covid-19 a occasionné une surmortalité « très faible » en 2020.

Formation

Après des études d’ingénieur, il est diplômé de l’École polytechnique universitaire de l’université Paris-Saclay en 1985. Il obtient la même année un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en informatique de l’Université Paris-Sud et obtient une équivalence pour le diplôme d’études approfondies (DEA) de traitement du signal dont il a suivi les cours ce qui lui permet de s’inscrire en thèse et intègre le laboratoire de radioastronomie de l’observatoire de Paris au sein de l’unité URA 328 (CNRS) dans le cadre du projet PRONAOS du Centre national d’études spatiales (Cnes) où il obtient un doctorat pour la mise au point de nouvelles méthodes de traitement numérique pour des analyseurs de spectre par méthode acousto-optique spatialisable. En 1992, il obtient un diplôme d’études approfondies (DEA) en démographie de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Activités de recherche

Modélisation du système ostéoarticulaire

En 1988, il intègre le laboratoire « Étude fondamentale et clinique du système ostéoarticulaire » au sein de l’unité INSERM U113.

Modélisation des épidémies – Sentinelles

En 1992, il intègre l’équipe du RNTMT (qui deviendra le réseau Sentinelles) au sein du laboratoire dirigé par le PrAlain-Jacques Valleron.

Systèmes complexes et épidémiologie

En 2005, Laurent Toubiana rejoint l’UPRES EA 4472 « Namades : Nouvelles approches méthodologiques pour l’aide à la décision et à la stratégie en santé » de l’université Paris-Descartes.

Ontologies, données/connaissances, informatique médicale

Laurent Toubiana est membre du Laboratoire d’informatique médicale et d’ingénierie des connaissances en e-Santé, unité mixte de recherche entre l’université Sorbonne-Paris-Nord (Paris 13) et l’Inserm.

IRSAN

À la fin de l’année 2014, Laurent Toubiana fonde l’Institut de recherche pour la valorisation des données de santé (IRSAN), une association loi 1901 qui recueille des données de santé provenant de diverses sources et les analyse.

Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Laurent_Toubiana

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