Droit,  Société et politique

L’État de droit, dernière victime du COVID

Par Marion Maréchal

« Un irresponsable n’est plus un citoyen. »

Emmanuel Macron.

Dans son interview au Parisien, le Président a ainsi institué une nouvelle forme de sanction : la déchéance de citoyenneté pour les Français non vaccinés. Celle-ci ne sera pas pénale, mais sociale, elle fera de vous le bouc-émissaire confortable d’une société hypocondriaque et hygiéniste, elle autorisera les journalistes et responsables politiques à vous insulter et à vous traiter de criminel en puissance, elle permettra que vous soyez privé de salaire, interdit de transports ou de moments conviviaux dans des bars ou restaurants. Elle permettra d’éviter soigneusement toute recherche de responsabilités sur les choix politiques qui ont conduit l’hôpital public à la saturation et au délitement.

La situation est d’autant plus ironique que ce même Emmanuel Macron balayait d’un revers de main le recours à la déchéance de nationalité pour les terroristes islamistes. « J’ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place (que ce débat) a pris, parce que je pense qu’on ne traite pas le mal en l’expulsant de la communauté nationale », disait-il à l’époque. Chacun appréciera la délicatesse philosophique dont le chef de l’État fait preuve à l’égard des islamistes et dont il ne s’encombre pas en l’espèce.

« Emmerder » les Français, telle est donc la « stratégie » revendiquée du Président qui fait craindre demain l’interdiction pour les nouveaux parias d’accéder aux bureaux de vote. Une inquiétude qui n’a rien d’un fantasme puisque l’amendement prévoyant d’écarter cette hypothèse fut rejeté par le gouvernement lors des débats parlementaires.

Derrière les débats animés sur la pertinence de telle ou telle mesure sanitaire, un mal plus profond et durable devrait nous interpeller : la mort à pas feutré de l’État de droit, apanage de ce qu’on appelle classiquement la « démocratie libérale ».

Tous ceux si prompts à brandir l’État de droit comme étendard moral face aux gouvernements polonais et hongrois semblent volontiers s’accommoder de son évanouissement en France. Et si le Président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, s’est ému récemment de sa remise en cause, ce n’est pas en raison de la crise sanitaire, mais du débat présidentiel lancé par certains candidats sur les dérives antidémocratiques du gouvernement des juges…

Si ce risque de glissement existe bel et bien, l’État de droit a néanmoins quelques vertus quand il s’agit de protéger le citoyen de l’arbitraire. Il peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise en droit. Autrement dit, dans ce type de régime, le pouvoir politique est soumis au juge, censé être le garant du respect de la hiérarchie des normes et, de ce fait, des libertés publiques et individuelles face aux éventuels abus du gouvernement. Pour fonctionner, ce système implique l’égalité des sujets de droit, la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice.

Autant de notions mises à mal durant cette période d’état d’urgence sanitaire, devenu permanent depuis deux ans, qui suspend le fonctionnement normal de nos institutions et permet au pouvoir de restreindre des droits et libertés fondamentales telles que la liberté de circuler, de travailler, de commerce et d’industrie, l’inviolabilité du corps humain, le droit au respect de la vie privée ou même le droit à l’éducation puisque dorénavant Jean-Michel Blanquer conditionne l’accès à l’école des enfants cas contacts à trois tests négatifs ! Nous savions depuis longtemps qu’en France la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif est un artifice ; rien de surprenant donc à ce que l’Assemblée reste la chambre d’enregistrement servile de l’Élysée, mais, que reste-t-il de cet État de droit quand les juges valident sans sourciller toutes les décisions ou presque de l’exécutif par le biais de contorsions juridiques et intellectuelles surprenantes ?

Les avis contradictoires du Conseil d’État sont particulièrement révélateurs de ce basculement. Dans son dernier avis en date du 22 décembre, la Cour suprême validait le passe vaccinal, les mesures de contention et d’isolement sur décision des autorités préfectorales, la limitation des rassemblements, le contrôle des pièces d’identité par des personnes non assermentées, etc. Cet avis intervenait pourtant après la déclaration d’Olivier Véran du 18 décembre assumant publiquement que le passage du passe sanitaire au passe vaccinal est une « forme déguisée d’obligation vaccinale ». Or, le Conseil d’État avait explicitement demandé dans un avis précédent à ce que le passe sanitaire ne serve pas d’outil d’incitation à la vaccination. Un tel parjure confirme que ces juges n’assurent plus la protection des libertés démocratiques et pose de sérieux doutes sur leur indépendance.

De la même façon, le Conseil constitutionnel pourtant si prompt à lier abusivement les mains de l’Assemblée, notamment lorsqu’il s’agit de favoriser l’immigration, fut particulièrement timoré sur le sujet, s’en remettant le plus souvent à l’appréciation du législateur. Dans une décision de 2021, le Conseil constitutionnel considérait que le passe sanitaire permettait une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles du fait notamment de son application limitée dans le temps. L’on peut donc s’étonner que le Conseil ne trouve rien à redire suite à la déclaration de Jean Castex précisant qu’il n’était « pas prévu de limiter dans le temps le passe vaccinal ».

Le fervent Européen Emmanuel Macron, qui n’hésite pas à faire remplacer le drapeau français par le drapeau de l’Union européenne au-dessus de la tombe de notre soldat inconnu, ne semble pas davantage se soucier de violer la résolution 2361 du Parlement européen, en particulier les engagements 7.3.2 « de veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné, en raison de risques potentiels pour la santé ou pour ne pas avoir à se faire vacciner, et 7.3.1 «  de s’assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n’est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s’il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement. » Là encore les conséquences se font attendre.

Si Emmanuel Macron a jeté son dévolu sur Machiavel comme sujet d’étude lors de son DEA de philosophie, il semble manifestement être passé à côté de Tocqueville, Constant et Kelsen.

Le Covid aura donc fait une dernière victime et non des moindres : ci-gît l’État de droit.

Source : https://marionmarechal.info/articles/tribunes/letat-de-droit-derniere-victime-du-covid/


A propos de l’auteur

Née en 1989, Marion Maréchal est diplômée de droit à l’université Panthéon Assas et de management à l’EMlyon. Élue député de Vaucluse à 22 ans, elle se présente aux élections régionales de 2015 en Provence-Alpes-Côte d’Azur et préside le premier groupe d’opposition. Elle quitte la vie politique en 2017 et cofonde l’ISSEP, une école supérieure privée de science politique et de management, dont elle assure la direction depuis. Son site Internet officiel est https://marionmarechal.info/.

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