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Un livre oublié et le moment de vérité du pasteur.

Par Paul Gosselin

Il est fort probable que ce que je vais vous raconter ne puisse arriver qu’à un “rat de bibliothèque”…

Un jour, le rat de bibliothèque que je suis s’ennuie de ne pas avoir un nouveau livre à lire. Désespéré, je fouille dans une petite bibliothèque d’église pour trouver quelque chose à lire et voilà que je tombe sur le témoignage d’un chrétien russe de l’époque soviétique, un chrétien qui a traversé la fournaise de la persécution et qui a connu le Goulag… Oui, cela peut être intéressant…

Eh bien, alors que je me mets à lire, je constate que ce que l’auteur décrit parle aussi à notre génération de chrétiens de l’Occident qui font face à la montée d’un nouveau totalitarisme plus hypocrite que le régime nazi ou le communisme sous Staline. Évidemment, je sais que certains chrétiens francophones vont jusqu’à dire que les chrétiens de l’Occident ne sont PAS persécutés, mais il me semble que cette attitude est un peu bornée et erronée, car les élites postmodernes (et les pions de Davos) ont bien appris leur leçon du XXe siècle. Le jeu actuel n’est PAS joué avec les mêmes règles que les totalitarismes du XXe siècle… Dans mon article, j’en parle un peu plus en détail. Voici donc ci-dessous un article que j’ai écrit suite à ma lecture du témoignage de ce chrétien russe.

Si dans mon préambule, je fais un tour d’horizon des restrictions subies au Canada pendant la crise de la Covid qui va sembler à certains comme une diversion oiseuse, c’est dans le but d’établir le concept d’un néo-totalitarisme et ses répercussions sociales TRES pratiques, touchant la vie de tous les jours des citoyens des pays occidentaux.

Pendant la crise de la Covid, les gouvernements du Canada et du Québec ont exigé des choses TRES inhabituelles de leurs citoyens et massivement violé leurs droits.

Voici quelques gestes posés par le gouvernement canadien (fédéral et provincial) : couvre feu sans état de guerre [1], calomnie et censure des critiques, distanciation sociale, port du masque en public, fermetures des commerces, et finalement, l’imposition d’un vaccin expérimental à ARNm [2] aux employés fédéraux, au personnel médical et policier québécois et aux pilotes de ligne. Des touristes canadiens ont été refusés dans leur propre pays pour avoir refusé le vaccin. Au Québec, en été 2020, l’on est allé jusqu’à édicter des décrets criminels comme interdire aux ambulanciers de réanimer des patients souffrant de malaises cardiaques. Au plus fort des restrictions, un fonctionnaire sadique a imaginé le décret suivant : tandis que l’on exigeait la fermeture d’un grand nombre de commerces [3], jugés non essentiels [4], l’on a exigé que les rares commerces toujours ouverts ferment leurs toilettes au public. Ainsi, les camionneurs long cour devaient faire leurs besoins là où ils le pouvaient plutôt qu’à un endroit approprié. De telles interventions ne sont rien d’autre qu’une mesure du profond mépris des élites pour le peuple (qui pourtant leur apporte les choses essentielles de la vie). L’on est même allé jusqu’à interdire les voyages entre provinces et les rassemblements de famille pour Noël, voire même pour des funérailles. Sans doute cela émane-t-il du même fonctionnaire sadique qui a fait fermer les toilettes publiques [5]. Même les nazis n’ont jamais songé à annuler Noël… L’on a utilisé des stations cellulaires/mobiles pour espionner (et piller les données privées de) 33 millions de Canadiens. Et sous le prétexte de décrets de santé, l’on a arrêté des pasteurs dans l’exercice de leurs fonctions, geste illégal au Canada sous l’article 176 du Code Criminel canadien. L’on a même commencé à ériger un réseau de camps de détention des récalcitrants, un Goulag canadien en somme. L’on est allé jusqu’à utiliser le système de santé (auquel tout Canadien a droit) comme moyen de chantage pour imposer le vaccin anti-Covid, allant même jusqu’à refuser une transplantation d’organe essentielle à des citoyens canadiens non vaccinés, citoyens qui paient leurs taxes comme les autres et qui ont le même droit aux services de santé que les autres. La goutte qui a fait déborder le vase a été le décret qui a imposé le vaccin anti-Covid aux camionneurs, geste qui a déclenché le fameux convoi des camionneurs en février 2022, et après le choc de leur arrivée dans la capitale nationale Ottawa et la persévérance des protestations des camionneurs, même en plein hiver, le gouvernent canadien a un moment sérieusement envisagé de faire intervenir l’armée avec des tanks pour disperser les protestataires, tout juste comme l’avait fait le gouvernement communiste chinois aux protestataires sur la Place Tian ‘anmen en Chine en 1989… L’on peut deviner que la seule raison pour laquelle les tanks n’ont pas été déployés à Ottawa contre les camionneurs était que les soldats canadiens auraient refusé d’attaquer leurs propres concitoyens. Et, geste qui doit être considéré comme du vol [6], même s’il est l’initiative d’un fonctionnaire fédéral, l’on est même allé jusqu’à geler des comptes bancaires des camionneurs et de certains de leurs soutiens. Après l’arrivée du vaccin anti-Covid, l’on a tenté de mettre en place un régime d’apartheid excluant de la vie sociale les non-vaccinés qui désormais ne pouvaient plus aller au cinéma, ni aller au restaurant, ni voyager.

Alors Québécois, puisque la devise du Québec est “Je me souviens”, n’acceptez pas la lobotomisation de la propagande du gouvernement et des grands médias serviles. N’oubliez pas tout ce que l’on nous a fait subir [7]. N’oubliez pas toutes ces violations de nos droits !

Évidemment, toutes ces choses ont été acceptées et subies par la population dans un grand climat de peur. Évidemment, les médias canadiens ont contribué et amplifié ce climat de peur en mettant tous les jours à la une le palmarès des décès dus à la Covid. L’on sait aujourd’hui que l’on a très largement triché sur ces statistiques en attribuant n’importe quel décès à la Covid et au moyen de protocoles médicaux mis en place lors de la Covid (usage toxique de dérivés de l’opium dans le traitement de la Covid) qui ont contribué aux décès, et en refusant les autopsies de gens décédés de la Covid.

Une des mesures extraordinaires et sans précédent a été les fermetures d’églises partout au Canada en janvier 2022. En général, les pasteurs ont suivi à la lettre les décrets imposant ces fermetures d’églises sans se poser de questions. Très peu de pasteurs ont osé poser des questions sérieuses afin de déterminer si ces décrets étaient légitimes et justifiés. Et moins encore de pasteurs ont osé affirmer que ces décrets constituaient un abus de l’autorité gouvernementale et, de ce fait, ont pris la décision de poursuivre les réunions avec les chrétiens rassemblés dans le même lieu (plutôt que des réunions virtuelles avec des chrétiens virtuels).

Et si la crise de la Covid était un test ?

Et si tout cela n’était qu’un test préliminaire, un avant-goût de ce qui est prévu pour nous ? Et si demain le gouvernement canadien ou québécois allait plus loin encore et décrétait, par exemple, qu’au nom de la tolérance et de la compassion, les églises devaient convertir TOUTES les toilettes de leurs lieux de culte en toilettes transgenres, c’est-à-dire qu’un homme pourrait alors s’immiscer dans des toilettes de femmes ou vice-versa ? Cela pourrait aussi prendre la forme d’une imposition aux églises de l’idéologie LGBTQ+ dans les écoles du dimanche (au nom de la tolérance et de la compassion) [8]. Ceux qui ont des yeux pour voir doivent constater que la réhabilitation de la pédophilie a bien démarré en Occident, ce qui aboutira inévitablement à l’introduction des pédophiles dans les toilettes d’enfant d’écoles primaires. Ces pervers ont l’intention ferme de nous transformer à leur image… Combien de pasteurs canadiens oseraient dire au gouvernement :

“Il n’y aura JAMAIS de toilettes transgenres dans mon église, JAMAIS de propagande LGBTQ+ dans notre école du dimanche, car Dieu seul fixe la nature humaine (donc sexuelle), et non pas l’État canadien ni québécois. Nous ne voulons pas de cette idéologie chez nous ! Nous ne plierons jamais sur ce point » [9].

Tout comme dans le cas de la crise de la Covid, dans son programme pour imposer l’idéologie LGBTQ+ sur la population, le gouvernement pourrait créer un climat de peur et d’intimidation en infligeant des contraventions salées aux églises récalcitrantes. Sans doute y aurait-il un effort de propagande ciblant les églises récalcitrantes, les accusant d’être intolérantes et pas assez inclusives. Et, inévitablement, il y aurait des pasteurs collaborateurs qui sauraient faire des condamnations ronflantes des récalcitrants à qui l’on dirait : “Ne faut-il pas avoir de la compassion pour nos frères et sœurs LGBTQ+ ?” Évidemment, si tout cela ne suffisait pas, à titre d’exemple, le gouvernement a déjà démontré qu’il n’hésiterait pas à arrêter et mettre quelques pasteurs en prison. Si l’on se fie au comportement des pasteurs pendant la crise de la Covid, la majorité des pasteurs canadiens adopteraient encore le même comportement, c’est-à-dire celui assurant leur confort immédiat, la servilité.

Mais que des autorités fassent appel aux forces policières afin de faire cesser des réunions chrétiennes (et la prédication de la Parole de Dieu) n’est pas nouveau. Voyez ce cas tiré du livre des Actes des Apôtres et voyez le courage de Pierre et Jean qui ont rappelé aux autorités (clairement instituées par Dieu) les limites de leur pouvoir, mais leur a également reproché publiquement le péché d’avoir fait crucifier Christ.

Tandis que Pierre et Jean parlaient au peuple, survinrent les sacrificateurs, le commandant du temple, et les sadducéens, mécontents de ce qu’ils enseignaient le peuple, et annonçaient en la personne de Jésus la résurrection des morts. Ils mirent les mains sur eux, et ils les jetèrent en prison jusqu’au lendemain; car c’était déjà le soir. Cependant, beaucoup de ceux qui avaient entendu la parole crurent, et le nombre des hommes s’éleva à environ cinq mille. Le lendemain, les chefs du peuple, les anciens et les scribes, s’assemblèrent à Jérusalem, avec Anne, le souverain sacrificateur, Caïphe, Jean, Alexandre, et tous ceux qui étaient de la race des principaux sacrificateurs. Ils firent placer au milieu d’eux Pierre et Jean, et leur demandèrent : « Par quel pouvoir, ou au nom de qui avez-vous fait cela ? » Alors Pierre, rempli du Saint-Esprit, leur dit : « Chefs du peuple, et anciens d’Israël, puisque nous sommes interrogés aujourd’hui sur un bienfait accordé à un homme malade, afin que nous disions comment il a été guéri, sachez-le tous, et que tout le peuple d’Israël le sache ! C’est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité des morts, c’est par lui que cet homme se présente en pleine santé devant vous. Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, et qui est devenue la principale de l’angle. Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. » Lorsqu’ils virent l’assurance de Pierre et de Jean, ils furent étonnés, sachant que c’étaient des hommes du peuple sans instruction ; et ils les reconnurent pour avoir été avec Jésus. Mais comme ils voyaient là près d’eux l’homme qui avait été guéri, ils n’avaient rien à répliquer. Ils leur ordonnèrent de sortir du sanhédrin, et ils délibérèrent entre eux, disant : « Que ferons-nous à ces hommes ? Car il est manifeste pour tous les habitants de Jérusalem qu’un miracle signalé a été accompli par eux, et nous ne pouvons pas le nier. Mais, afin que la chose ne se répande pas davantage parmi le peuple, défendons-leur avec menaces de parler désormais à qui que ce soit en ce nom-là. » Et les ayant appelés, ils leur défendirent absolument de parler et d’enseigner au nom de Jésus. Pierre et Jean leur répondirent : « Jugez s’il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu ; car nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu. » Ils leur firent de nouvelles menaces, et les relâchèrent, ne sachant comment les punir, à cause du peuple, parce que tous glorifiaient Dieu de ce qui était arrivé. Car l’homme qui avait été l’objet de cette guérison miraculeuse était âgé de plus de quarante ans.

Actes 4:1-22.

Et si le Sanhédrin avait proposé à Pierre de Jean une solution de compromis, c’est-à-dire d’avoir la liberté de prêcher n’importe où sauf dans le temple de Jérusalem, l’on peut assez facilement deviner quelle aurait été la réponse de ces apôtres… Cela expose le fait que les pharisiens actuellement au pouvoir sont bien plus hypocrites (et manipulateurs) que les pharisiens de l’époque de Christ.

Et le livre oublié ?

Pour tout avouer, la réflexion qui suit a été provoquée par la lecture d’un livre depuis longtemps oublié, un livre que personne ne veut lire, car trop dérangeant… Il s’agit du livre Persécuté, mais non abandonné, témoignage extraordinaire d’Arthur Gesswein, un chrétien ukrainien de l’époque soviétique qui a vécu des épreuves et persécutions terribles à l’époque de Staline. Après la Deuxième Guerre mondiale, Gesswein avait été déporté avec d’autres Russes d’origine allemande dans la ville d’Achkhabad en Turkménistan. En exil dans cette région, Gesswein se maria avec une chrétienne et eut une fille. Mais Gesswein était aussi pasteur d’une petite église bien vivante, mais interdite par l’État. Le KGB le surveillait et un jour il fut convoqué par un inspecteur du KGB dont le but était de faire pression sur lui afin qu’il cessât ses activités chrétiennes. Pour se défendre, Gesswein invoqua la Constitution soviétique qui garantissait (officiellement) la liberté de conscience à tous les citoyens soviétiques. Voici la réplique de l’inspecteur et la suite de la conversation qui plaçait Gesswein devant un choix terrible (1984 : 96) :

— C’est juste! La Constitution garantit la liberté de conscience, et nous jouissons tous de cette liberté. J’ai la liberté d’être athée et vous, vous avez la liberté de croire en un Dieu imaginaire. Seulement, vous ne devez pas parler de votre religion. C’est interdit. C’est se comporter en agitateur.
— [Gesswein] En agitateur ?
— Oui, vous cherchez à conspirer contre l’État soviétique [10]. Vous pouvez croire en Dieu avec votre femme, pourquoi pas ? Vous pouvez Lui adresser vos prières, mais seulement chez vous, et sans la présence de tiers.
— Oui, Monsieur l’inspecteur, mais . . .
— Ne me coupez pas la parole, Gesswein. J’espère que vous allez faire entrer une fois pour toutes dans votre cervelle obtuse qu’il est interdit de parler de votre Dieu à d’autres personnes, d’inviter des gens à participer à des réunions. C’est interdit ! Interdit ! Interdit ! Avez-vous compris ? »

Oui, j’avais compris. Je renonçai à vouloir le persuader que ce qu’il demandait là était une chose impossible, car il commençait à se mettre en colère.

— Allez-vous en maintenant ! Mais soyez-en sûr, si on vous prend encore en faute, vous ne vous en tirerez pas si facilement. Ça pourrait aller jusqu’à vingt-cinq ans de prison…

Je n’avais plus qu’à partir.
Vingt-cinq ans de prison ! Ce n’est qu’une fois dehors que je compris réellement le sens de ces paroles. Valait-il la peine d’encourir un châtiment pareil pour continuer à se réunir avec d’autres croyants décidés à obéir à la Parole de Dieu ?

Et pour préciser, sous le régime soviétique, cette peine de 25 ans de prison devait être purgée, non pas dans un camp de vacances [11], mais dans le fameux Goulag, le système de camps de concentration soviétique où l’on faisait travailler 11 heures par jour les prisonniers sous-alimentés. Dans ces conditions, environ 50 % d’entre eux n’en sortaient pas vivants. Oui, devant une telle menace, il fallait faire une réflexion TRES sérieuse… Pour Macbeth, ce fut “To be or not to be”, mais pour Gesswein, ce fut “Garder l’église ouverte ou la fermer”... Voici la conversation intime qu’eut Gesswein avec Dieu à ce sujet (1984 : 100-101) :

— Seigneur, que faut-il faire ? demandai-je.
— Continuez à vous réunir, me soufflait la voix de ma conscience.
— Mais, Seigneur, nous risquons d’aller en prison, objectai-je.
— M’aimes-tu ? semblait-Il me demander.
— Bien sûr que je T’aime, Seigneur, Tu le sais, mais . . .
— M’aimes-tu?

C’était à cette question-là, d’une importance capitale, que je me sentais obligé de répondre.

— Oui, Seigneur, je T’aime.
— Serais-tu prêt à souffrir pour moi ?
— Je voudrais bien être prêt à souffrir pour Toi, mais je ne crois pas que j’en aie la force. Regarde-moi, Seigneur, je ne suis plus très fort, ni très solide. Je ne crois pas que je puisse le supporter. Et puis, Seigneur, j’ai encore une famille…

Pourquoi Dieu ne me répondait-il pas ? Je savais qu’Il m’aimait, car Jésus, sur la croix, avait donné Sa vie pour moi et Il m’avait déjà fait sentir plus d’une fois Sa présence. Pourquoi me laissait-Il maintenant dans l’incertitude ? Il se contentait de me répéter : « M’aimes-tu ? »
Cette question m’obséda pendant plusieurs jours. Bien sûr que je L’aimais ! Mais étais-je vraiment prêt à souffrir pour Lui s’il le fallait ? J’aurais été incapable de dire : « Oui, Seigneur, si Tu le veux . . . »

Gesswein relate que pendant un bon moment il était dans le doute et l’incertitude sur cette question jusqu’au jour où il fit une rencontre inhabituelle. Avec des frères de son église, il fit une visite à la prison locale, apportant un colis de nourriture à un vieux chrétien emprisonné, mais sans pouvoir parler à ce croyant. Deux semaines plus tard, ils purent le rencontrer. Voici le récit de cette rencontre (1984 : 103-104) :

… On nous fouilla pour s’assurer que nous ne cachions rien dans nos vêtements. Le contrôle terminé, on nous mena dans un parloir rempli de tables et de bancs. Il y avait partout des prisonniers ayant la permission de parler quelques minutes avec leurs proches. Une porte s’ouvrit et Ivan Mirochkin entra. Ivan, notre frère. Il nous reconnut tout de suite et s’avança vers nous à grands pas. Quelques semaines plus tôt, nous ne savions rien les uns des autres, et subitement nous eûmes l’impression de nous connaître depuis longtemps. Il se jeta à notre cou en versant des larmes et nous l’embrassâmes, pleurant aussi. Il était heureux au point d’en être bouleversé. Il y a bien longtemps, me disais-je, que personne ne l’a attendu au parloir… Nous nous sommes assis à l’écart, devant une table en bois grossier et nous nous sommes présentés à tour de rôle.

— Pourquoi es-tu ici, frère ?
— Ah ! dit-il, c’est déjà une vieille histoire. Je parlais à mes voisins de l’amour de Jésus et ils sont devenus croyants. Quand on l’a appris, on m’a arrêté.
— Tu as dit que c’était une vieille histoire. Depuis combien de temps es-tu en prison ?
— Dix-neuf ans.
— Dix-neuf ans !

Nous le regardions, ayant peine à le croire.
Les bras m’en tombaient, je restai bouche bée. Voilà un homme qui a été prêt à tout supporter à cause de sa foi, et pendant dix-neuf ans ! Tandis que les autres continuaient à parler avec lui, je restai là, bouleversé par ce que je voyais et entendais. Je sentais que Dieu parlait maintenant à mon cœur de telle sorte que je ne pouvais plus, cette fois, me dérober.
Ivan Mirochkin était pour moi un exemple vivant, plus éloquent que tous les sermons du monde. Je le regardais, fasciné. Son apparence extérieure n’avait pourtant rien d’attrayant. Il était mal habillé, sale, on pouvait même dire que ses vêtements misérables n’étaient plus que des haillons. Son visage brûlé par le soleil était creusé de rides profondes, sa peau ressemblait à du cuir tanné. La sécheresse lui avait gercé les lèvres et crevassé la peau des mains. Un peu de pommade eût vite fait de le guérir, mais, si c’est pour nous un article courant, c’est un luxe dans une prison.
Les traits de son visage étaient marqués par la souffrance, par de longues années de travail pénible, une alimentation insuffisante, la solitude ; et pourtant, ses yeux brillaient d’un éclat presque surnaturel. Je me sentais profondément ému : cet homme avait fait de sa vie un sacrifice, il avait porté volontairement sa croix…
Mais Dieu avait fait descendre une telle paix dans son cœur qu’elle rayonnait, surnaturelle, dans son regard.
Je ne pouvais plus douter désormais : c’était aussi pour moi que Dieu avait ménagé cette rencontre avec Ivan Mirochkin, car Il me préparait à accepter quelque chose dont je m’étais jusque-là toujours défendu. Il est certain que Ses voies nous sont souvent incompréhensibles, mais j’avais fini par me rendre à l’évidence : s’il y a entre le ciel et la terre beaucoup de choses que nous ne comprenons pas, cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas, ni qu’il faille les rejeter.

Il y a dans la vie de chaque chrétien des moments critiques où le choix de tourner à gauche ou à droite aura de graves conséquences sur sa croissance spirituelle et sur la suite des choses. Pour les chrétiens fidèles et consacrés, ce moment critique peut prendre la forme d’un véritable Jardin de Gethsémané (bien que sans sueurs de sang), mais pour bien des chrétiens superficiels ce passage peut être un épisode banal, tout comme la décision sans émotion de Lot de quitter Abraham pour aller s’installer dans la ville de Sodome, attiré qu’il était par les opportunités d’une économie florissante (et peut-être les rumeurs des mœurs exotiques de ses habitants ?)

Sans doute certains vont-ils répliquer que les chrétiens en Occident ne sont pas vraiment persécutés comme ce fut le cas sous le régime soviétique, et tirent-ils donc la conclusion qu’il n’y a pas de persécution des chrétiens en Occident.

Chrétiens persécutés en Occident ?

Ne concluons pas trop vite… Il est temps de prendre conscience que les élites postmodernes actuellement au pouvoir en Occident ont bien appris la leçon du XXe siècle, c’est-à-dire que la persécution ouverte et explicite, comme celle sous les nazis ou les communistes, n’a pas réussi à éliminer le christianisme. Il est utile aussi de prendre conscience que le mal n’a pas qu’un seul visage.

J’avoue que l’opinion selon laquelle les chrétiens en Occident ne sont pas vraiment persécutés me semble appuyée soit sur l’ignorance, soit sur la malhonnêteté. Je sais que c’est brutal comme perspective, mais, patience, je m’explique. En fait pour se faire une idée précise sur la question il est nécessaire de prendre la mesure des TRÈS nombreux moyens de pression et de corruption exercés sur l’Église (donc pressions sur les pasteurs et pressions sur les chrétiens ordinaires) et employés par les communistes sous Staline ou les dirigeants soviétiques qui lui succédèrent. Voici quelques anecdotes livrées par Soljénitsyne touchant les multiples visages de la persécution et de l’oppression des chrétiens sous le régime soviétique. Comme le note Alexandre Soljénitsyne, tandis qu’une certaine libéralisation du Goulag avait eu lieu après le décès de Staline, en général les chrétiens n’eurent pas droit à ces amnisties et continuèrent à affluer dans le Goulag  (1986 : 514-518) :

Mais un flux [de prisonniers] ne s’est jamais tari en URSS et coule toujours. Un flux de criminels qui n’a pas été touché par la « vague bienfaisante qui rappelle à la vie… », etc. Un flot qui a coulé sans interruption pendant toutes ces décennies, que les « normes léninistes aient été enfreintes » ou strictement observées, et qui a coulé à l’époque de Khrouchtchev plus furieusement que jamais.
Je veux parler des croyants [chrétiens]. Ceux qui ont résisté à la nouvelle vague de persécutions cruelles, à la fermeture totale des églises. Les moines qui ont été chassés de leurs monastères (Krasnov-Levitin nous a fourni de nombreuses informations à ce sujet). Les sectaires obstinés, notamment ceux qui refusaient de faire leur service militaire : on ne peut rien y faire, on est vraiment désolé, mais vous aidez directement l’impérialisme, on vous laisse tranquille aujourd’hui – c’est cinq ans la première fois.
Ce ne sont en aucun cas des politiques, ce sont des « religieux », mais ils doivent tout de même être rééduqués. Les croyants doivent être licenciés en raison de leur foi ; les komsomols doivent être envoyés pour briser les fenêtres des croyants ; les croyants doivent être officiellement contraints d’assister à des conférences antireligieuses, les portes des églises doivent être enfoncées au chalumeau, les coupoles abattues à l’aide de haussières attachées à des tracteurs, les rassemblements de vieilles femmes dispersés à l’aide de lances d’incendie. (Est-ce là ce que vous entendez par dialogue, camarades français ?)
Comme on l’a dit aux moines du monastère de Pochaïev au Soviet des députés ouvriers : « Si nous respectons toujours les lois soviétiques, nous devrons attendre longtemps le communisme. »
Ce n’est que dans les cas extrêmes, lorsque les méthodes éducatives ne sont d’aucune utilité, que le recours à la loi est nécessaire.
Ici, nous pouvons éblouir le monde par la noblesse diamantaire de nos lois d’aujourd’hui. Nous ne jugeons plus les gens dans des tribunaux fermés, comme sous Staline, nous ne les jugeons plus par contumace, nous les jugeons en semi-public (c’est-à-dire en présence d’un semi-public).
J’ai entre les mains le procès-verbal du procès de quelques baptistes à Nikitovka dans le Donbas, en janvier 1964.
Voici comment cela se passe. Sous prétexte de vérification d’identité, les baptistes venus assister au procès ont été emprisonnés pendant trois jours (jusqu’à la fin du procès, et pour leur faire peur). Quelqu’un (un citoyen libre !) qui a jeté des fleurs aux accusés a pris dix jours. Il en est de même pour un baptiste qui a tenu un registre du procès et dont les notes ont été confisquées (mais un autre registre a survécu). Quelques Komsomols triés sur le volet sont entrés avant le public par une porte latérale, afin d’occuper les premiers rangs. Pendant que le procès se déroulait, les spectateurs criaient : « Versez du kérosène sur le lot et mettez-y le feu ! » Le tribunal n’a rien fait pour freiner cette juste indignation. Typique de ses procédures : il a admis les témoignages de voisins hostiles et aussi ceux de mineurs terrorisés ; des petites filles de neuf et onze ans ont été amenées devant le tribunal (on se fiche bien de l’effet que cela peut avoir sur elles, du moment qu’on obtient notre verdict).

Leurs cahiers d’exercices contenant des textes bibliques ont été présentés comme pièces à conviction.
L’un des accusés, Bazbei, père de neuf enfants, était un mineur qui n’avait jamais reçu de soutien du comité syndical de sa mine parce qu’il était baptiste. Mais ils ont réussi à confondre sa fille Nina, une écolière en huitième année, et à la suborner en lui donnant cinquante roubles du comité de l’Union et en lui promettant de la placer plus tard dans un institut, de sorte que, pendant l’enquête, elle a fait des déclarations fantastiques contre son père : il avait essayé de l’empoisonner avec une boisson aux fruits acides ; lorsque les croyants se cachaient dans les bois pour leurs réunions de prière (parce qu’ils étaient persécutés dans la colonie), ils avaient eu un émetteur radio – « un grand arbre avec du fil enroulé tout autour ». Par la suite, ces déclarations mensongères ont commencé à affecter l’esprit de Nina, qui est devenue malade mentale et a été placée dans le service des violences d’un asile. Néanmoins, elle a été présentée au tribunal dans l’espoir qu’elle s’en tiendrait à son témoignage. Mais elle n’en a pas voulu un seul mot !
« L’interrogateur a dicté lui-même ce que je devais dire. Cela n’a rien changé. Le juge sans vergogne a ignoré ses dernières déclarations et n’a considéré comme valables que ses témoignages antérieurs. (Chaque fois que des dépositions favorables à la cour sont bloquées – c’est l’esquive typique et régulière utilisée par les tribunaux : ils ignorent ce qui est présenté à la cour et se basent sur des preuves truquées obtenues lors de l’enquête préliminaire : « Qu’entendez-vous par là ? Il est dit dans votre déposition… Vous avez témoigné pendant l’enquête… De quel droit pourriez-vous vous rétracter maintenant ? C’est un délit aussi, vous savez ! »
Le juge ne s’intéresse pas du tout au fond du dossier, à la vérité. Les baptistes sont persécutés parce qu’ils n’acceptent pas les prédicateurs envoyés par un athée plénipotentiaire de l’État, mais préfèrent les leurs. (Le comité du parti de l’oblast a ordonné qu’ils soient jugés et que leurs enfants leur soient retirés de force. Et cela sera fait, bien que le Présidium du Soviet Suprême vienne de signer de sa main gauche (le 2 juillet 1962) la convention mondiale sur « la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’éducation ». L’un de ses points est que « les parents doivent être autorisés à assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions ». Mais c’est précisément ce que nous ne pouvons pas permettre ! Quiconque s’exprime au tribunal sur le fond de l’affaire, quiconque tente de clarifier la question, est invariablement interrompu, détourné de sa pensée, délibérément embrouillé par le juge, qui mène le débat à ce niveau : « Comment pouvez-vous parler de la fin du monde alors que nous sommes engagés dans la construction du communisme ? »
C’est ce qui ressort de la déclaration finale d’une jeune fille, Zhenya Khlponina. « Au lieu d’aller au cinéma ou dans les danses, j’avais l’habitude de lire la Bible et de faire mes prières – et juste pour cela, vous me privez de ma liberté… Oui, être libre est un grand bonheur, mais être libéré du péché est encore plus grand. Lénine a dit qu’il n’y avait qu’en Turquie et en Russie que des phénomènes aussi honteux que la persécution religieuse existaient encore. Je ne suis jamais allée en Turquie et je n’en sais rien, mais en Russie, vous pouvez vous rendre compte par vous-même de ce qu’il en est. » Elle a été interrompue.
Les peines : deux d’entre eux ont été condamnés à cinq ans de camp, deux autres à quatre ans, et Bazbei, le père de tous ces enfants, à trois ans.

Les accusés ont accepté leur sentence avec joie et ont fait une prière. Les « représentants des entreprises » ont crié : « Pas assez longtemps ! Plus longtemps ! » (Jetez-leur du kérosène et mettez-y une allumette…)
Les baptistes qui souffrent depuis longtemps prennent note et comptent : ils créent un « Conseil des parents de prisonniers » qui commence à publier des bulletins manuscrits sur toutes les persécutions. Ces bulletins nous apprennent que de 1961 à juin 1964, 197 baptistes ont été condamnés, dont 15 femmes. Ils sont tous nommément cités. Les personnes à charge des prisonniers, laissées sans moyens de subsistance, ont également été dénombrées : 442, dont 341 sont d’âge scolaire). La majorité d’entre eux obtiennent cinq ans d’exil, mais certains obtiennent cinq ans dans un camp à régime strict (échappant de justesse à l’ensemble des criminels endurcis) avec trois à cinq ans d’exil en plus. B M. Zdorovets, d’Oishany dans l’oblast de Kharkov, a écopé de sept ans de régime strict pour sa foi. Y. V. Arend, âgé de soixante-seize ans, a été interné, de même que toute la famille Lozovoy (père, mère et fils). Evgueni M. Sirokhine, ancien combattant handicapé (groupe 1) de la guerre de la patrie, aveugle des deux yeux, a été condamné dans le village de Sokolovo, district de Zmievski, oblast de Kharkov, à trois ans de camp pour avoir élevé ses enfants Lyuba, Nadya et Raya en tant que chrétiens, et ils lui ont été retirés sur ordre du tribunal.
Le tribunal chargé de juger le baptiste M. I. Brodovsky (à Nikolayev, le 6 octobre 1966) n’a pas hésité à utiliser des documents grossièrement falsifiés.

Alexandre Soljenitsyne.

Voilà toute une panoplie de moyens d’oppression et d’intimidation par les communistes. Le Goulag n’était PAS le seul moyen de persécuter les chrétiens sous le régime sovitétique. Si l’on y réfléchit, il est trop facile d’arriver à la conclusion que les chrétiens en Occident NE sont PAS la cible de persécutions. Pour ce faire, il suffit de présupposer une définition TRES étroite (et implicite) de la persécution et le tour est joué. « Voilà, je vous l’avais dit, les chrétiens en Occident NE sont PAS persécutés ! » À mon sens, c’est beaucoup sous-estimer la créativité du mal et aussi se fermer les yeux sur les différences culturelles et techologiques des diverses époques de l’histoire. D’autre part, lorsqu’un régime totalitaire se met en place, il ne crie pas sur les toits : « Voilà on va vous opprimer et vous jeter dans des camps de concentration ! On va massivement violer vos droits ! » Mais non, un régime totalitaire se donne une belle image et dans son marketing affirme se battre pour la LIBERTÉ et la JUSTICE Les totalitaires ne jouent jamais cartes sur table…

À la fin, le rejet de l’idée que les chrétiens d’Occident puissent être le sujet de pressions ou de persécutions semble avant tout avoir comme objectif de préserver son confort personnel en évitant d’être confronté au mal. Évidemment, si le chrétien prend soin de ne jamais froisser ni contredire l’idéologie dominante, alors l’on ne sentira jamais cette oppression. Cela rappelle le récit de villages allemands situés près des camps de concentration de la Solution finale. Après la victoire des Alliés, plusieurs de ces villageois affirmèrent haut et fort qu’ils ne savaient rien de ce qui se passait juste à côté de chez eux. Il est vrai que quelquefois le vent amenait de mauvaises odeurs (venant des fours crématoires), mais hormis cela, l’on ne remarquait rien d’anormal…

Revenons à Gesswein

Au cours de son récit, Gesswein nous livre une anecdote au sujet d’un chrétien recevant sa sentence qui se traduit par une condamnation au Goulag : ce dernier répliqua au juge communiste que sa sentence permettrait de semer du “bon grain” (de l’Évangile) dans l’Union Soviétique. En effet, Gesswein note que pour chaque chrétien condamné au Goulag, cinq en ressortaient [12]. Ces chrétiens russes portaient du fruit. Mais pasteurs et chrétiens évangéliques, soyez sûrs que les élites postmodernes ont bien appris cette leçon et ont abandonné la stratégie de la confrontation directe et la persécution ouverte des chrétiens. Sans doute la Chine communiste a-t-elle bien appris cette leçon également. Non, nos élites postmodernes au pouvoir en Occident sont bien trop hypocrites pour cela. Elles ne jouent jamais cartes sur table.

Il faut donc constater que les élites postmodernes et les pions de Davos actuellement au pouvoir détestent autant les chrétiens que les détestaient les communistes, mais que, pour les attaquer, elles ont une approche plus subtile, plus manipulatrice et plus hypocrite, c’est-à-dire ayant non pas pour objectif explicite d’éliminer l’Église, mais de la corrompre [13]. Cette approche comporte l’avantage qu’une fois corrompue de la sorte, l’Église elle-même devient un obstacle à la foi des inconvertis, un obstacle à l’Évangile… Ainsi, plutôt que des attaques ouvertes contre la foi chrétienne, les élites postmodernes cherchent donc les points faibles des églises, les endroits où cela leur est facile de faire pression afin de corrompre la foi, les normes morales des chrétiens et l’enseignement dans l’Église par de lentes pressions venant des côtés.

Ainsi en 2023, la pression pour corrompre l’Église vient non seulement de l’État et du système juridique ou policier, mais également du système scolaire, de corporations professionnelles, d’entreprises multinationales, des grands médias et des réseaux sociaux. Une différence critique entre l’époque de Gesswein et la nôtre est que l’Église en 2023 est beaucoup moins assurée dans son enseignement et sa doctrine qu’au début du XXe siècle. L’Église est donc beaucoup plus vulnérable à la pression et plus facilement manipulable qu’elle ne l’était à l’époque de Gesswein. Si bien des chrétiens de la première génération ont été prêts à faire face aux lions plutôt que d’offrir une pincée d’encens à la divinité de César, combien de chrétiens de notre génération trouveraient facilement des justifications spirituelles pour offrir cette pincée. Aujourd’hui une bonne partie du leadership évangélique méprise les certitudes de la doctrine et leur comportement montre qu’ils sont prêts à se plier à tout vent de doctrine et de pression sociale. En parlant des derniers temps, Christ dit : “Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?” (Luc 18:8b). À la fin, Christ parlait-il de cette génération actuelle, notre génération de chrétiens ? Est-ce que nous nous trompons nous-mêmes si nous disons aimer Jésus, mais méprisons sa Parole pour ne pas l’appliquer dans nos vies et nous défiler lorsque cette Parole est en conflit avec les courants de pensée de cette génération ?

Mais qu’est-il arrivé à Gesswien ?

L’on s’en doutera, mais un jour le KGB vint chercher Gesswein. On lui fit un procès pour activités antisoviétiques et en effet il fut condamné à une peine de 25 ans dans le Goulag où il partit sans savoir s’il reverrait, dans cette vie, sa femme et ses enfants. Comme les autres prisonniers, Gesswein connut les travaux forcés et la vie dure qu’a décrite Alexandre Soljénitsyne avec tant de détails dans son Archipèle du Goulag. Pour se faire une petite idée de la vie des camps soviétiques, l’on peut lire son roman plus court Une journée d’Ivan Denissovitch. Mais au cours de son séjour dans le Goulag, Gesswein fit la rencontre d’autres chrétiens, eux aussi emprisonnés pour leur foi. Et si j’ai mentionné Soljénitsyne, c’est que les parcours de Gesswein et de Soljénitsyne se sont croisés [14]. Non pas littéralement… Je m’explique. Pendant son séjour dans le Goulag, Gesswein purgea une partie de sa peine dans le camp de Kengir et dans son livre décrit des épisodes de cruauté terrible, c’est-à-dire des gardes de prison qui, pour s’amuser, tiraient au hasard sur des prisonniers avec leurs carabines. Un des prisonniers tués de la sorte était connu de Gesswein et était Sacha, surnommé l’Évangéliste, un prisonnier qui n’avait que quelques mois à faire avant de terminer sa peine de prison. Ces meurtres débouchèrent sur un épisode extraordinaire et jusqu’à là inconnu dans le Goulag, une révolte de camp, les prisonniers refusant de se rendre à leur travail, en prenant le contrôle du camp et en tentant de s’armer pour se défendre. Tandis que Gesswein était sur place lors de ces événements, Soljénitsyne, lui, n’a pas séjourné dans ce camp, mais dans son Archipèle du Goulag il relate ces événements à partir de récits de témoins oculaires. Voici la description offerte [15] par Soljénitsyne du meurtre de l’Évangéliste (1986 : 286) :

Mais en février 1954, un autre prisonnier fut abattu à l’usine de menuiserie – « l’évangéliste », comme tous les Kengir s’en souvenaient (Aleksandr Sisoyev, était, je crois, son nom). Cet homme avait purgé neuf ans et neuf mois de sa peine de dix ans [16]. Son travail consistait à fondre des baguettes de soudure à l’arc et il effectuait ce travail dans un petit hangar situé près de la clôture. Il est sorti pour se soulager près du hangar et, pendant qu’il y était, un coup de feu a été tiré d’un mirador. Les gardes accoururent rapidement du poste de garde et commencèrent à traîner le mort dans la zone frontalière, pour faire croire qu’il y avait pénétré. C’en était trop pour les zeks, qui se sont emparés de pioches et de pelles et ont éloigné les meurtriers de l’homme assassiné.

Il ne faut pas s’étonner que les autorités soviétiques aient brutalement écrasé cette révolte. L’armée envahit le camp de Kengir et les résistants furent littéralement écrasés sous les chenilles des tanks ou tués à la mitraillette. Finalement, Gesswein serait l’objet d’une amnistie et put sortir du Goulag et retrouver les siens. Quelques temps plus tard, il put sortir de l’URSS avec sa famille et émigrer en Occident où il publia son livre.

Mais qu’en est-il de la génération présente de pasteurs et de dirigeants d’associations d’églises évangéliques ? Est-ce que l’on retrouve encore chez eux le courage de Gesswein ? Est-ce que l’on retrouve encore chez eux ce même souci de vérité ? Comment savoir ? Les jours et les mois à venir le diront… Et qui sait si tous ne feront pas face à leur moment de vérité, peu importe leur sphère de pouvoir et d’influence ?

Références

GESSWEIN, Arthur (1984) Persécuté, mais non abandonné. Illkirch, Suisse : InterAide. 237 p.

MACFARLAND PHILLIPS, Maggie (2023) Just the Facts on ‘Geofencing,’ the Intrusive, App-Based ‘Dragnet’ That Sgt. Joe Friday Never Dreamed Of. (RealClear Wire, 26 septembre 2023). Quand l’État utilise les données des téléphones portables contre les églises.

SOLZHENITSYN, Alexandr I. (1976) The Gulag Archipelago 1918-1956: An Experiment in Literary Investigation. Volume III. New York : Harper & Row. 560 p.

Notes

[1] – La loi sur les mesures d’urgence invoquée pendant la crise de la Covid n’est que la vielle loi canadienne des mesures de guerre, loi qui exigeait des attaques violentes contre la nation. Mais des politiciens hypocrites (pions de Davos ?) ont modifié le nom de la loi tout en élargissant largement les conditions nécessaires pour sa mise en application. D’une loi conçue pour défendre la nation contre un ennemi externe l’on en a fait une loi pour permettre à l’État canadien d’attaquer sa propre population…

[2] – Décrets illégaux, car en violation flagrante de la convention de Nuremberg et des Accords de Helsinki signés par le Canada. Ces accords établissent qu’un traitement médical exige TOUJOURS le consentement éclairé du patient, ce qui implique que dans TOUS les cas, le patient peut refuser un traitement.

[3] – Et au Québec, je me demande si près de 50 % des restaurants n’ont pas fermé leurs portes dans les mois suivant la levée des restrictions.

[4] – Évidemment, les commerces jugés essentiels ont eu une GROSSE rentrée d’argent pendant ces restrictions. Dans leur cas, la crise de la Covid a été TRES rentable.

[5] – Et ce décret, est-il de la main d’Arruda ou de Legault lui-même ?

[6] – N’est-il pas vrai que la définition du vol est de s’approprier un bien sans la permission du propriétaire ou au mépris de la volonté du propriétaire ? (Peu importe que l’on soit mafioso ou fonctionnaire fédéral.)

[7] – Cette question rejoint l’expérience des prisonniers du Goulag. Réfléchissant sur la réaction des prisonniers libérés du Goulag, Soljénitsyne note une curieuse tendance à vouloir très rapidement biffer l’expérience terrible de sa mémoire (1976 : 455-456) :

Il y a ces deux réactions face à la liberté et, en correspondance, deux attitudes face au passé.
Vous avez vécu des années d’horreur. Vous n’êtes ni un assassin, ni un sale escroc, alors pourquoi essayer d’oublier la prison et le camp de travail ? Pourquoi en avoir honte ? N’auriez-vous pas intérêt à vous considérer comme plus riche grâce à eux ? Ne serait-il pas plus approprié d’en être fier ?
Pourtant, tant de gens (dont certains ne sont ni faibles ni stupides, des gens dont on ne s’attendrait pas à ce qu’ils le soient) font de leur mieux pour oublier ! Pour oublier le plus vite possible ! Pour oublier complètement et finalement, pour oublier comme si rien ne s’était passé.

Mais cette réaction d’oubli n’est pas si difficile à comprendre, car l’oubli évite à un tel individu le défi douloureux de faire un bilan pour identifier qui est responsable de ces horreurs et pour tenter de savoir si ce responsable pourrait récidiver et détruire la vie d’autrui. Oublier simplifie beaucoup les choses… Faire face au mal, en soi ou chez les autres, est un grand défi moral.

[8] – Le projet de loi C-250 a déjà criminalisé toute critique de l’idéologie LGBTQ+ au Canada, le définissant comme discours haineux. Sous cette loi, le pasteur qui dit publiquement que l’homosexualité est un péché peut faire face à des accusations criminelles. Et les pasteurs ont très bien compris. Si César exige sa pincée d’encens, ils rejoindront volontiers les rangs.

[9] – Il est bon de réfléchir à ces choses, car qui sait si demain (ou l’année prochaine) l’on ne nous annoncera pas que tous devront recevoir une marque sur la main ou sur la tête pour faire la moindre transaction bancaire, à défaut de quoi ils se verraient coupés de toutes leurs ressources monétaires, c’est-à-dire le système économique mondial de l’Antéchrist décrit dans Apocalypse 13:16-18 ? Il ne faut pas se leurrer, il y a des gens très puissants qui travaillent fort pour mettre en place un tel système. D’autre part, il faut être conscient que la technologie existe actuellement pour mettre en place un tel système. Tout ce qui manque sans doute est un prétexte socio-économique pour mettre définitivement fin aux transactions en argent papier. Et si cela devait se réaliser devant nos yeux, combien de pasteurs évangéliques de cette génération dénonceraient-ils ouvertement une telle intervention ? Combien avertiraient les membres de leurs églises du danger ? Il ne faut pas être naïf au point de penser que ce système nous sera proposé dans les termes décrits par l’Apocalypse, c’est-à-dire un système dans lequel il sera ouvertement dit que recevoir la marque de la Bête implique l’adoration et la soumission à la Bête. Sans doute que pour certains évangéliques leur théologie leur interdit-elle de penser qu’ils auront à faire face à cette situation, mais c’est une erreur très sérieuse, car quelques versets avant, dans le même chapitre, l’on nous indique que la Bête s’attaquera aux croyants et leur fera la guerre :

Et il lui [la Bête] fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation. Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie de l’agneau qui a été immolé. Si quelqu’un a des oreilles, qu’il entende ! Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité ; si quelqu’un tue par l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la persévérance et la foi des saints.

Apocalypse 13:7-10.

Comme n’importe qui d’autre, je voudrais bien que l’Enlèvement ait lieu bien avant tous ces événements, Ce serait bien commode à mon avis, mais Dieu ne nous demande pas notre avis sur ces choses (Il est le même qui a dit : « vous aurez des tribulations ») et il faut se soumettre aux Écritures et s’appuyer sur la Parole de Dieu et non sur la pensée humaine bien intentionnée (leçon que l’apôtre Pierre a apprise à ses dépens lorsqu’il a voulu donner son avis sur les plans divins, cf. Matthieu 16:23). Bien entendu, l’on peut être sûr que lorsque le système de la marque de la Bête sera proposé, ce sera l’objet d’un puissante campagne de promotion hypocrite, un tissu de mensonges, mélangé à une pincée de vérité, tout comme le premier mensonge qui séduit Éve… L’Apocalypse indique aussi que ces événements auront lieu tandis qu’un puissant esprit de séduction sera à l’œuvre, allant même jusqu’à des miracles manifestes opérés par le second de la Bête (Apocalypse 13:12-13). Une telle époque exposera ce qui est vraiment dans le cœur du chrétien. Ceux qui dans les faits adorent leur confort (et les bénédictions) avant la vérité seront sans doute volontaires pour accepter la marque de la Bête. Les Écritures ne nous avertissent-elles pas que certains “périssent parce qu’ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés” (2 Thessaloniciens 2:10b) ? Que Dieu nous garde fidèles dans ces moments de décision…

[10] – Gesswein fut donc accusé d’être complotiste.

[11] – Ou une prison québécoise, avec nourriture abondante, salles de gymnastique et climatisation.

[12] – Il semble bien qu’Alexandre Soljénitsyne lui-même ait été touché par le témoignage d’évangéliques pendant son séjour dans le Goulag. Il est rentré athée dans le Goulag et en est sorti chrétien.

[13] – Et l’on peut parier que la première cible dans cette stratégie a été les universités bibliques. Si l’on peut corrompre la tête, tout le reste suivra, tôt ou tard.

[14] – Et tous les deux ont connu l’exil. Dans le cas de Soljénitsyne, ce dernier fut exilé en Kazakstan (à partir de 1952), après son séjour dans le Goulag. Dans le cas de Gesswein, ce fut avant son séjour dans les camps du Goulag. Il n’est pas impossible qu’ils aient pu se croiser dans un train de transport de prisonniers ou dans un camp de transit.

[15] – Désolé, bien qu’il existe une traduction française de ce livre, actuellement je n’ai accès qu’à la traduction anglaise.

[16] – Une petite peine de prison de 10 ans. Il était plus commun que les chrétiens reçoivent des sentences de 25 ans.

Source : https://www.samizdat.qc.ca/vc/quest_soc/momentdeverite_PG.htm

Article reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur, légèrement édité au niveau de la forme uniquement afin de supprimer les familiarités du langage.

A propos de l’auteur

Paul Gosselin

Paul Gosselin est anthropologue. Il a obtenu une licence et une maîtrise en anthropologie sociale de l’Université Laval au Québec (Canada). Il est également le webmestre du site Samizdat (250 000 visiteurs/année), et l’auteur de trois livres :
– Hors du ghetto : un regard évangélique sur la culture et les arts (2003) ;
– Fuite de l’Absolu : Observations cyniques sur l’Occident postmoderne. Volume I (2006) [sur le postmodernisme] ;
– Fuite de l’Absolu. Volume II (2009) [sur le rôle idéologico-religieux de la théorie de l’évolution].

Il donne des conférences sur les sujets suivants : postmodernisme, arts et culture, définition de la religion, débat sur les origines.

Il est marié, père de deux enfants et vit au Québec, au Canada.

Fournir une information scientifique objective et éclairée sur la crise sanitaire actuelle, sensibiliser aux enjeux sociétaux et politiques majeurs qui se profilent à l’horizon, alerter le public, rassembler les bonnes volontés et préparer l’avenir.