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Ursula von der Leyen : Commission & Justice

Par Maître Arnaud Durand

Ce 17 juillet 2024, le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a condamné la Commission européenne, alors conduite sous la présidence de Mme Ursula von der Leyen, à cesser son opacité sur les contrats d’achat des vaccins Covid-19 et à cesser de cacher :

  • les clauses sur la responsabililté des fabricants quant à l’indemnisation des victimes des produits défectueux,
  • les identités des négociateurs, que la Commission tenait secrètes.

Cette décision de justice fait suite à l’action collective en Justice appelée “DejaVu” et conduite par la plateforme française d’actions collective en Justice Palace.legal pour le compte de 2 089 requérants défendus par une équipe d’avocats composée de Maître Arnaud Durand (Lexprecia, Barreau de Paris) et de Maître Thibault Saint-Martin (Hope Avocats, Barreau de Bordeaux).

La condamnation de la Commission européenne intervient à l’heure où la reconduction de Mme von der Leyen à la présidence de la Commission est en débat. Il ne fait guère de doute que les eurodéputés sauront considérer cette décision de justice avant de décider, en leur âme et conscience, et sous la protection du secret de leur vote, en tant que représentants directs des citoyens de leur pays ayant eu à souffrir de l’opacité de la Commission sur un marché à 71 Md€.

À cette heure-ci, on ne sait pas si la Commission fera appel de cette décision ou pas.


ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

17 juillet 2024 (*)

Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents concernant l’achat de vaccins par la Commission dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Refus partiel d’accès – Exception relative à la protection des données à caractère personnel – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Obligation de motivation – Existence d’un risque prévisible et non purement hypothétique d’atteinte à l’intérêt invoqué – Principe de proportionnalité » 

Dans l’affaire T‑761/21,

Fabien Courtois, demeurant à Rueil-Malmaison (France), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Mes A. Durand et T. Saint-Martin, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Ehrbar, MM. G. Gattinara et A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 décembre 2021,

–        la demande de non-lieu à statuer présentée par la Commission et déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2022,

–        le mémoire en adaptation déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2022,

–        les observations de la Commission sur le mémoire en adaptation déposées au greffe du Tribunal le 29 avril 2022,

–        l’ordonnance du 7 juillet 2022 par laquelle le Tribunal a décidé de joindre l’examen de la demande de non-lieu à statuer au fond,

–        la réplique et la duplique déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 8 octobre et le 5 décembre 2022,

–        l’ordonnance du 2 mars 2023 par laquelle le Tribunal a, au titre d’une mesure d’instruction, ordonné à la Commission de produire intégralement certains documents,

à la suite de l’audience du 18 octobre 2023, au cours de laquelle les requérants ont renoncé à un de leurs moyens, tiré de l’incompétence de l’auteure de l’acte,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, M. Fabien Courtois et les autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de la décision C(2022) 1359 final de la Commission européenne, du 28 février 2022, prise en application de l’article 4 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), et leur accordant un accès partiel à certains documents concernant l’achat de vaccins par cette institution dans le cadre de la pandémie de COVID-19, ainsi que la version française de ladite décision, communiquée le 31 mars 2022.

I.      Antécédents du litige

2        Le 14 avril 2020, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (UE) 2020/521 portant activation de l’aide d’urgence en vertu du règlement (UE) 2016/369 et modification des dispositions dudit règlement pour tenir compte de la propagation de la COVID-19 (JO 2020, L 117, p. 3). Par ce règlement, le Conseil a activé l’aide d’urgence établie par le règlement (UE) 2016/369 du Conseil, du 15 mars 2016, relatif à la fourniture d’une aide d’urgence au sein de l’Union (JO 2016, L 70, p. 1), en tant que l’une des mesures devant permettre à l’Union européenne dans son ensemble de faire face à la crise liée à la pandémie de COVID-19, dans un esprit de solidarité compte tenu des contraintes liées à la propagation rapide du virus et dès lors que l’ampleur et le caractère transnational de cette propagation et de ses effets rendaient nécessaire une réponse globale.

3        Le 17 juin 2020, la Commission a publié la communication intitulée « Stratégie de l’Union européenne concernant les vaccins contre la COVID-19 » [COM(2020) 245 final]. Cette stratégie qui visait à accélérer la mise au point, la fabrication et le déploiement de vaccins contre la COVID‑19 reposait sur deux piliers. Le premier était d’assurer une production suffisante de vaccins dans l’Union et, ce faisant, un approvisionnement suffisant des États membres au moyen de contrats d’achat anticipé conclus avec des producteurs de vaccins par l’intermédiaire de l’instrument d’aide d’urgence, tel qu’il a été activé par le règlement 2020/521. Le second était d’adapter le cadre réglementaire de l’Union à l’urgence alors actuelle et de mettre à profit la souplesse réglementaire alors existante pour accélérer la mise au point, l’autorisation et la disponibilité de vaccins, dans le respect des normes de qualité, d’innocuité et d’efficacité applicables aux vaccins.

4        Dans cette perspective, la Commission a précisé que les États membres seraient associés à la procédure dès le départ et que tous les États membres participants seraient représentés au sein d’un comité de pilotage (ci-après le « comité de pilotage »), qui assisterait la Commission sur tous les aspects des contrats d’achat anticipé avant leur signature. Elle a également précisé qu’une équipe conjointe de négociation, composée d’elle-même et d’un petit nombre d’experts des États membres, serait chargée de négocier les contrats d’achat anticipé (ci-après l’« équipe conjointe de négociation »), ces derniers devant être conclus au nom de l’ensemble des États membres participants. La Commission a également affirmé qu’elle serait responsable de la procédure de passation de marché au nom des États membres et des contrats d’achat anticipé conclus.

5        Selon la Commission, le cadre proposé devait s’analyser comme une « police d’assurance », consistant à transférer une partie du risque qui pesait sur l’industrie pharmaceutique vers les autorités publiques, en échange de quoi les États membres étaient assurés de bénéficier d’un accès équitable et abordable à un vaccin, s’il venait à être trouvé.

6        Par courrier du 24 mai 2021 adressé à la présidente de la Commission ainsi que par courrier électronique du même jour adressé au secrétariat général de la Commission, enregistré le 15 juin 2021 sous la référence GESTDEM 2021/3395, deux avocats ont demandé, « au nom et pour le compte des 86 000 premiers pétitionnaires de la plateforme “https ://dejavu/legal/” » (ci-après la « pétition ») qu’ils représentaient et parmi lesquels figuraient les requérants, l’accès, en vertu du règlement no 1049/2001, à un certain nombre de documents concernant l’achat, par la Commission et pour le compte des États membres de l’Union, de vaccins dans le cadre de la pandémie de COVID-19 (ci-après la « demande initiale »). Le courrier contenait également une demande d’information.

7        En particulier, la demande initiale portait sur les accords d’achat signés par la Commission avec les fabricants de vaccins, sur l’identité des représentants de l’Union ayant pris part aux négociations avec ces fabricants et sur les déclarations d’intérêts directs ou indirects entre ces représentants et lesdits fabricants et était rédigée comme visant les documents suivants :

« 1.      L’intégralité des contrats signés par la Commission européenne en application du [règlement 2020/521] et notamment les contrats avec :

Pfizer-Biontech ;

Moderna ;

Johnson & Johnson ;

Astrazeneca.

Étant précisé que :

(a)      par contrat, il faut entendre tout[e] lettre d’intention, bon de commande simple, memorandum of understanding, contrat, accord, avenant, promesse unilatérale ou synallagmatique ;

(b)      chaque document communiqué NE pourra PAS faire l’objet d’une altération, restriction de lecture, caviardage de son contenu ou dissimulation d’une quelconque des informations qu’ils contiennent, ou encore d’une communication partielle ou tronquée.

2.      La liste, les décisions de désignation et l’identité complète des représentants de l’Union européenne dans le cadre des négociations des contrats (Prénom, NOM, rôle professionnel ou institutionnel).

3.      Les déclarations d’intérêts directs ou indirects entre les représentants de l’Union européenne visés au 2°) ci-dessus et les producteurs, investisseurs, financiers des vaccins et autres médicaments. »

8        Par courrier du 30 juillet 2021, la directrice générale de la direction générale (DG) de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission (ci-après la « DG Santé ») a répondu à la demande initiale et a indiqué qu’elle avait identifié 46 documents correspondants à ladite demande, à savoir quatre contrats d’achat anticipé et trois contrats d’achat conclus par la Commission avec AstraZeneca, Pfizer-BioNTech, Janssen et Moderna, 17 documents dénommés « Projets de protocole d’accord » (draft term sheet) et 22 déclarations d’absence de conflit d’intérêts. Elle a indiqué qu’un accès partiel avait été accordé aux contrats d’achat anticipé et aux contrats d’achat susmentionnés, dont les versions partiellement expurgées avaient été rendues publiques sur l’une de ses pages Internet. Les passages ont été occultés sur le fondement des exceptions relatives à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, à la protection des intérêts commerciaux des entreprises et à la protection du processus décisionnel des institutions, prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, et à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.Cespassagescontiendraient des informations commerciales sensibles relatives, notamment, aux entreprises, à leurs sous-traitants et aux sociétés liées, y compris des informations scientifiques sur les vaccins, le prix, le calendrier de déploiement des vaccins, la capacité de production, le savoir-faire et l’implication d’experts et de partenaires, les stratégies commerciales et d’autres informations ayant une valeur commerciale. Un accès partiel avait également été accordé aux déclarations d’absence de conflit d’intérêts, dont seulement un exemplaire a été transmis aux requérants, ces documents ne différant qu’en ce qui concernait le nom du signataire, la signature et la date de signature. Les informations ont été occultées sur le fondement de l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001. En revanche, la Commission a indiqué que l’accès aux 17 « projets de protocole d’accord » devait être refusé totalement sur le fondement des exceptions relatives à la protection des intérêts commerciaux des entreprises et à la protection du processus décisionnel des institutions, prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, et à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, et, pour six desdits « projets de protocole d’accord », également sur le fondement de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles, prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, dudit règlement.

9        Le 13 août 2021, les requérants ont présenté, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, une demande confirmative tendant à ce que la Commission révise sa position en ce qui concerne l’ensemble des documents auxquels l’accès avait été refusé soit partiellement, soit totalement (ci-après la « demande confirmative »).

10      Le 24 septembre 2021, la Commission a signalé aux requérants qu’elle n’était toujours pas en mesure de répondre à la demande confirmative. À cette date, l’absence de réponse donnée à la demande confirmative a fait naître une décision implicite de rejet relative à ladite demande (ci-après la « décision implicite de rejet »), conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.

11      Le 28 février 2022 et après consultation des entreprises pharmaceutiques concernées conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 (ci-après les « entreprises concernées »), la Commission a adopté la décision C(2022) 1359 final, prise en application de l’article 4 du règlement no 1049/2001 (ci-après la « décision explicite »), laquelle a été notifiée en anglais aux requérants le 1er mars 2022. La Commission a indiqué que la décision explicite avait été notifiée en anglais par souci de célérité et qu’une traduction en français de cette décision serait prochainement communiquée aux requérants.

12      Dans la décision explicite, la Commission a relevé que, lors de l’évaluation de la demande confirmative, le secrétariat général avait procédé à un nouvel examen de la réponse apportée à la demande initiale par la DG Santé, que, à la suite de ce nouvel examen, la liste des documents correspondant à la demande d’accès aux documents avait été modifiée et que le nombre des documents recensés était de 66.

13      Concrètement, cette modification s’est traduite par la suppression de l’ensemble des 17 documents préalablement identifiés par la DG Santé comme étant des « projets de protocole d’accord », auquel l’accès avait été refusé totalement en réponse à la demande initiale (voir point 8 ci-dessus), et par l’ajout de nouveaux documents, auxquels un accès partiel a été accordé, incluant des contrats d’achat anticipé, des contrats d’achat et 31 courriers relevant de correspondances entre la Commission et les États membres. En outre, un accès partiel plus large a été accordé aux quatre contrats d’achat anticipé et aux trois contrats d’achat qui avaient déjà fait l’objet d’un accès partiel à la suite de la demande initiale.

14      Ainsi, par la décision explicite, un accès partiel a été accordé aux contrats d’achat anticipé et aux contrats d’achat suivants (ci-après les « contrats en cause ») :

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et AstraZeneca [référence Ares(2020)4849918, document 1] ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et Sanofi-GSK [référence Ares(2020)5034184, document 2] ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et Janssen Pharmaceutica [référence Ares(2020)5806059, document 3] ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et BioNTech-Pfizer [référence Ares(2021)256798, document 4] ;

–        le contrat d’achat conclu entre la Commission et BioNTech-Pfizer [référence Ares(2021)1601544, document 5] ;

–        le second contrat d’achat conclu entre la Commission et BioNTech-Pfizer, parties 1 et 2 [référence Ares(2021)3404228, document 6] ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et CureVac [référence Ares(2021)256728, document 7] ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et Moderna [référence Ares(2021)256592, document 8] ;

–        le contrat d’achat conclu entre la Commission et Moderna [référence Ares(2021)1601566, document 9] ;

–        l’avenant I au contrat d’achat conclu entre la Commission et Moderna [référence Ares(2021)7098313, document 10] ;

–        l’avenant II au contrat d’achat conclu entre la Commission et Moderna [référence Ares(2021)5602046, document 11] ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et Novavax [référence Ares(2021)6475411, document 12] ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu entre la Commission et Valneva [référence Ares(2021)7403909, document 13].

15      En outre, un accès partiel a été accordé aux documents suivants :

–        le procès-verbal de la première réunion du comité de pilotage dans le cadre de l’approche commune de l’Union pour l’achat de vaccins contre la COVID-19 du 18 juin 2020 [référence Ares(2020)6521773, document 14] ;

–        la lettre du ministre fédéral autrichien adressée au membre de la Commission chargé de la santé concernant le projet d’accord révisé pour les vaccins contre la COVID-19 et le membre nommé au comité de pilotage [référence Ares(2020)3225023, document 15] ;

–        la lettre du ministre tchèque de la Santé concernant l’accord pour l’achat de vaccins [référence Ares(2020)3225220, document 16] ;

–        la lettre de l’Irlande concernant l’accord et le membre nommé au comité de pilotage pour les contrats d’achat anticipé de vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3225086, document 17] ;

–        la réponse de la République de Croatie à la lettre adressée par le membre de la Commission chargé de la santé au ministre de la Santé [référence Ares(2020)3247430, document 18] ;

–        le courrier électronique de la République de Croatie daté du 15 septembre 2020 concernant un remplacement [référence Ares(2020)3247430, document 19] ;

–        la lettre du Royaume de Danemark en réponse à la lettre adressée au membre de la Commission chargé de la santé par le ministre de la Santé [référence Ares(2020)3225169, document 20] ;

–        la lettre de réponse du ministre fédéral allemand adressée au membre de la Commission chargé de la santé concernant le projet d’accord sur les vaccins [référence Ares(2020)3225035, document 21] ;

–        la réponse de la République italienne au projet d’accord sur les vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3225266, document 22] ;

–        la lettre adressée au membre de la Commission chargé de la santé par le ministre luxembourgeois de la Santé [référence Ares(2020)3225162, document 23] ;

–        la lettre du ministre bulgare de la Santé adressée à l’attention du membre de la Commission chargé de la santé [référence Ares(2020)3225058, document 24] ;

–        le courrier électronique de la République de Chypre concernant le membre nommé au comité de pilotage [référence Ares(2020)3247154, document 25] ;

–        le courrier électronique de la République de Chypre daté du 1er septembre 2020 concernant les nouveaux candidats nommés [référence Ares(2020)4551254, document 26] ;

–        le courrier électronique de la République de Chypre daté du 4 septembre 2020 concernant la nomination d’un membre suppléant [référence Ares(2020)3247154, document 27] ;

–        la réponse de la République française à la lettre du membre de la Commission chargé de la santé adressée à l’attention du ministre des Solidarités et de la Santé [référence Ares(2020)3225074, document 28] ;

–        la lettre du ministre letton de la Santé adressée au membre de la Commission chargé de la santé [référence Ares(2020)3225332, document 29] ;

–        la réponse du ministre lituanien de la Santé à la lettre concernant l’achat de vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3196684, document 30] ;

–        la réponse de la République de Slovénie à la lettre concernant l’achat de vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3224440, document 31] ;

–        la réponse de la représentation permanente de la République d’Estonie concernant le projet d’accord révisé pour la COVID-19 [référence Ares(2020)3224457, document 32] ;

–        la réponse de la République hellénique à la lettre adressée par le membre de la Commission chargé de la santé au ministre de la Santé [référence Ares(2020)3247097, document 33] ;

–        la réponse de la représentation permanente du Royaume d’Espagne à la lettre du 16 juin 2020 concernant le projet d’accord révisé sur les vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3224489, document 34] ;

–        la réponse du ministre portugais de la Santé à la lettre adressée par le membre de la Commission chargé de la santé relative au consentement au projet d’accord pour l’achat de vaccins [référence Ares(2020)3225012, document 35] ;

–        la réponse du ministre finlandais des Affaires sociales et de la Santé concernant les vaccins contre la COVID 19 [référence Ares(2020)3150427, document 36] ;

–        la lettre de réponse de la Hongrie concernant la coopération en matière d’achat de vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3177860, document 37] ;

–        la réponse de la République de Malte à la lettre adressée par le membre de la Commission chargé de la santé concernant le projet d’accord révisé pour les vaccins contre la COVID 19 [référence Ares(2020)3225207, document 38] ;

–        la réponse de la Roumanie au projet d’accord sur les vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3225251, document 39] ;

–        la réponse de la République slovaque à la lettre adressée par le membre de la Commission chargé de la santé au ministre de la Santé [référence Ares(2020)3247222, document 40] ;

–        la réponse du Royaume de Suède à la lettre adressée par le membre de la Commission chargé de la santé au ministre de la Santé [référence Ares(2020)3247528, document 41] ;

–        la réponse du Royaume des Pays-Bas au courrier intitulé « Accord traduit sur les vaccins contre la COVID-19 » [référence Ares(2020)3726636, document 42] ;

–        la lettre de la ministre belge de la Santé [référence Ares(2020)3225236, document 43] ;

–        la lettre d’intention de la République de Pologne en vue d’adhérer à l’accord sur l’initiative relative aux vaccins contre la COVID-19 [référence Ares(2020)3225179, document 44] ;

–        les déclarations d’absence de conflit d’intérêts, signées par chaque membre désigné de l’équipe conjointe de négociation [référence Ares(2021)4288779, documents 45 à 66, dont un exemplaire avait déjà été communiqué en réponse à la demande initiale].

16      Dans la décision explicite, la Commission a indiqué que l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu s’appliquait à l’intégralité des contrats en cause et des autres documents énumérés aux points 14 et 15 ci-dessus et que, s’agissant des contrats en cause, l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux des entreprises s’appliquait également.

17      Le 31 mars 2022, la version française de la décision explicite a été communiquée aux requérants.

II.    Conclusions des parties

18      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision implicite de rejet ;

–        annuler la décision explicite ;

–        annuler la version française de la décision explicite, du 31 mars 2022 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours contre la décision implicite de rejet ;

–        rejeter le recours tel qu’adapté contre la décision explicite comme non fondé ;

–        rejeter le recours contre la version française de la décision explicite, du 31 mars 2022, comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la qualité pour agir des requérants

20      Dans ses observations sur le mémoire en adaptation ainsi que dans la duplique, la Commission a émis certaines réserves quant à la qualité pour agir de l’ensemble des requérants. À cet égard, elle a fait valoir qu’il était difficile de déterminer avec certitude si l’ensemble des requérants figuraient bien parmi les 86 000 premiers signataires de la pétition, au nom et pour le compte desquels la demande initiale avait été présentée.

21      Par une mesure d’organisation de la procédure notifiée le 7 juillet 2022, le Tribunal a demandé aux requérants de produire la preuve que, à tout le moins l’un d’entre eux faisait partie du groupe des 86 000 pétitionnaires, au nom et pour le compte desquels la demande initiale avait été présentée, et que l’ensemble des requérants disposaient bien de la qualité pour agir.

22      En réponse à cette mesure d’organisation de la procédure, les requérants ont produit le relevé des signatures électroniques des pétitionnaires, indiquant pour chacun d’entre eux la date à laquelle il avait été procédé à la confirmation de la signature de la pétition.

23      En l’espèce, au moins un des requérants, à savoir M. Courtois, a dûment procédé à la confirmation de la signature de la pétition à une date antérieure à l’introduction de la demande initiale, cette confirmation étant intervenue le 24 février 2021. Partant, M. Courtois a qualité pour agir dans le cadre du présent recours.

24      Or, selon une jurisprudence bien établie, qui est fondée sur des raisons d’économie procédurale, s’agissant d’un seul et même recours, dès lors qu’une des parties requérantes dispose de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, T‑245/11, EU:T:2015:675, point 97 et jurisprudence citée).

25      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de rechercher si chacun des autres requérants, dont les noms figurent sur le relevé des signatures des pétitionnaires, dispose de la qualité pour agir.

B.      Sur l’objet du litige

26      La décision implicite de rejet, initialement visée par la demande d’annulation dans le cadre du recours introduit par les requérants, a été remplacée par la décision explicite après le dépôt de la requête. Ce remplacement a conduit les requérants à adapter leurs conclusions initiales ainsi que les moyens à l’appui de ces conclusions, en application de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal.

27      À la suite de l’adaptation de leurs conclusions, les requérants ont demandé l’annulation de la version française de la décision explicite qui leur a été communiquée le 31 mars 2022.

28      La Commission ne s’est pas opposée à l’adaptation des conclusions et des moyens des requérants, mais soutient que la version française de la décision explicite n’est qu’une simple traduction confirmative de l’acte attaquable, ce dernier étant la décision explicite adoptée le 28 février 2022 en anglais et notifiée le 1er mars 2022.

29      Lors de l’audience, la Commission a précisé que la communication ultérieure de la version française de la décision explicite, comme cela était requis par l’article 41, paragraphe 4, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 24, quatrième alinéa, TFUE et l’article 2 du règlement no 1 du Conseil, du 6 octobre 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié par le règlement (UE) no 517/2013 du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 1), aurait pu faire courir à nouveau le délai pour attaquer l’acte. Pour leur part, les requérants ont affirmé, en substance, avoir conclu à l’annulation de la décision explicite dans ses deux versions linguistiques afin d’éviter de tomber dans un « piège procédural ». Ils ont souligné qu’ils cherchaient à obtenir une décision du Tribunal sur le fond de leur recours, et non sur la question de la langue de la décision explicite, et qu’ils n’avaient pas cherché à faire courir à nouveau le délai pour le dépôt de leur mémoire en adaptation.

30      À cet égard, dès lors qu’une décision implicite de refus d’accès partiel a été retirée par l’effet d’une décision explicite prise ultérieurement, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en tant qu’il est dirigé contre ladite décision implicite (arrêt du 2 juillet 2015, Typke/Commission, T‑214/13, EU:T:2015:448, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 88 et 89). Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours en ce qui concerne le chef de conclusions, mentionné dans la requête et dans la réplique, tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet.

31      Par ailleurs, les parties n’ont invoqué aucune divergence entre la version française et la version anglaise de la décision explicite. Le Tribunal n’a pas non plus constaté l’existence d’une telle divergence, exception faite du troisième point introductif dans chacune de ces versions linguistiques, expliquant l’envoi de la traduction française. Il n’existe donc qu’une seule décision explicite, adoptée dans deux versions linguistiques.

32      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en réalité, les deuxième et troisième chefs de conclusions des requérants visent le même objectif, à savoir l’annulation de la décision explicite (ci-après la « décision attaquée »). Lesdits chefs de conclusions seront donc examinés ensemble.

C.      Sur le fond

33      Afin de traiter les moyens soulevés par les requérants, le Tribunal, par ordonnance du 2 mars 2023, a ordonné à la Commission de produire intégralement, d’une part, les contrats en cause auxquels, par la décision attaquée, elle a partiellement refusé l’accès et, d’autre part, les 17 documents identifiés par la DG Santé comme étant des « projets de protocole d’accord » auxquels l’accès avait été refusé totalement en réponse à la demande initiale et qui, dans la décision attaquée, ont été retirés de la liste des documents recensés comme répondant à la demande d’accès aux documents, tout en précisant que, conformément à l’article 104 du règlement de procédure, ces documents ne seraient pas communiqués aux requérants. La Commission a déféré à ces demandes dans les délais impartis. La production de ces documents a permis au Tribunal d’examiner en connaissance de cause les moyens du recours.

34      À l’appui de leur recours, tel qu’adapté, les requérants soulèvent, en substance, quatre moyens, tirés, premièrement, du caractère incomplet de la liste des documents recensés comme entrant dans le champ de la demande d’accès aux documents, deuxièmement, de l’inapplicabilité des deux exceptions invoquées par la Commission pour justifier le refus partiel d’accès aux documents demandés, troisièmement, de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant l’accès intégral aux documents demandés et, quatrièmement, de la violation du principe de proportionnalité.

1.      Sur le premier moyen, tiré du caractère incomplet de la liste des documents recensés comme entrant dans le champ de la demande daccès aux documents

35      L’argumentation développée par les requérants dans le cadre du premier moyen s’articule autour de deux branches.

36      Par la première branche, les requérants reprochent à la Commission d’avoir, dans la décision attaquée, retiré de la liste des documents recensés comme répondant à la demande d’accès aux documents les 17 documents identifiés comme étant des « projets de protocole d’accord » qui avaient été mentionnés par la DG Santé en réponse à la demande initiale.

37      Par la seconde branche, les requérants font valoir que, en ne communiquant que des modèles d’actes ou des versions expurgées d’informations essentielles des documents demandés, la Commission n’a pas respecté le principe d’accès du public aux documents, a mal interprété les exceptions opposables à la demande d’accès aux documents et n’a pas fourni d’explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ces documents pouvait porter atteinte aux intérêts prétendument protégés.

38      La Commission conteste cette argumentation.

39      S’agissant de la première branche du premier moyen, ainsi qu’il a été exposé aux points 8, 12 et 13 ci-dessus, il ressort du dossier que, en réponse à la demande initiale, la DG Santé avait recensé 46 documents correspondant à ladite demande, dont 17 documents identifiés comme étant des « projets de protocole d’accord » auxquels l’accès a été refusé. À la suite de la demande confirmative, la liste de documents correspondant à la demande initiale a été portée à 66 documents, mais les 17 documents susmentionnés en ont été retirés, la Commission estimant qu’ils avaient été inclus par erreur. Selon elle, ils ne rentraient pas dans le champ de la demande initiale, dès lors qu’ils devaient être considérés, pour l’essentiel, comme des documents préparatoires.

40      En l’espèce, il suffit de constater que les requérants ont demandé l’accès aux seuls « contrats signés » par la Commission (voir point 7 ci-dessus), de sorte que leur demande d’accès ne peut pas être comprise comme se référant également aux documents préparatoires à la signature desdits contrats, identifiés dans la décision attaquée sous l’intitulé « Projets de protocole d’accord », lesquels renvoient à de simples ébauches ou à des documents provisoires visant à l’élaboration de stipulations contractuelles à convenir ultérieurement entre les parties.

41      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par la précision apportée au point 1, sous a), de la demande d’accès aux documents, selon laquelle, « par contrat, il faut entendre tout[e] lettre d’intention, bon de commande simple, memorandum of understanding, contrat, accord, avenant, promesse unilatérale ou synallagmatique ». En effet, l’ensemble desdites notions renvoie à des documents ayant fait l’objet d’une manifestation de volonté juridique contraignante et traduisant nécessairement un engagement ferme et irrévocable. En aucune manière, l’une ou l’autre de ces notions n’est assimilable à un document préparatoire, tels que le sont de simples ébauches ou des documents provisoires visant à l’élaboration de stipulations contractuelles devant ultérieurement faire l’objet de négociations et d’un accord définitif entre les parties.

42      Ainsi, l’interprétation de la portée de la demande d’accès aux documents retenue par la Commission dans la décision attaquée n’est entachée d’aucune erreur d’appréciation.

43      En outre, en vertu des articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001, la procédure d’accès aux documents des institutions se déroule en deux temps. Ainsi, la réponse à une demande initiale au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 ne constitue qu’une première prise de position, susceptible d’être réexaminée à la suite de la présentation d’une demande confirmative conformément à l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2014,Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 36 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2018, Arca Capital Bohemia/Commission, T‑440/17, EU:T:2018:898, points 17 à 19).

44      Il s’ensuit que, au stade de la décision attaquée, la Commission pouvait, à juste titre, retirer de la liste des documents recensés comme répondant à la demande d’accès aux documents les 17 documents en question. En effet, aucun desdits documents ne correspond à un « contrat signé » par la Commission.

45      Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’écarter la première branche du premier moyen.

46      Pour autant que les requérants contestent, par les allégations générales et abstraites contenues dans la seconde branche du premier moyen, le refus partiel ou total d’accès à certains documents ou parties de documents, dont des déclarations d’absence de conflit d’intérêts et des contrats en cause, lesdites allégations se recoupent avec les deuxième et troisième moyens du recours. Il est donc renvoyé aux points 47 à 214 ci-après.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de linapplicabilité des deux exceptions invoquées par la Commission pour justifier le refus daccès aux documents demandés

47      À l’appui du deuxième moyen, qui se divise en deux branches, les requérants soutiennent que les deux exceptions invoquées par la Commission pour justifier le refus d’accès aux documents demandés, à savoir l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu et l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux des entreprises étaient inapplicables en l’espèce.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de linapplicabilité de lexception relative à la protection de la vie privée et de lintégrité de lindividu (article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001)

48      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, qui concerne le refus partiel d’accès aux déclarations d’absence de conflit d’intérêts, les requérants font valoir que la Commission n’a pas démontré en quoi la divulgation de l’identité des membres de l’équipe conjointe de négociation porterait concrètement atteinte à la vie privée ou à l’intégrité de ces membres. À cet égard, les requérants soutiennent que la Commission, en agissant par simple présomption et sans mettre en balance les intérêts en présence, a inversé la charge de la preuve.

49      Les requérants soutiennent que la nécessité de transmettre les données sollicitées, qui figurent dans les déclarations d’absence de conflit d’intérêts auxquelles un accès partiel a été accordé, procède du besoin de vérifier l’absence de conflit d’intérêts des personnes ayant négocié les contrats ainsi que du droit et du besoin accru d’information et de transparence des citoyens, en particulier s’agissant des membres de l’équipe conjointe de négociation, qui étaient investis d’un mandat public ou à tout le moins d’une mission de service public.

50      La Commission conteste cette argumentation.

51      La Commission soutient que les considérations mises en avant par les requérants dans la demande confirmative ne suffisent pas à démontrer que la transmission des données à caractère personnel en cause était nécessaire en l’espèce. Elle ajoute que, à la suite de la divulgation des versions anonymisées des déclarations d’absence de conflit d’intérêts, les requérants ont été en mesure de vérifier que les agents publics concernés remplissaient bien les obligations liées à toute procédure applicable aux marchés publics de l’Union. Elle soutient également qu’il n’a été procédé à aucune inversion de la charge de la preuve, mais que, dès lors qu’il existe, comme en l’espèce, des raisons de penser que la divulgation en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées, il n’y a pas lieu de communiquer des données telles que celles demandées, en particulier s’agissant d’agents publics ne disposant pas de pouvoir décisionnel au sein de leur institution ou d’une fonction hiérarchique élevée. En outre, elle observe que les requérants ont invoqué de nouveaux arguments au stade du mémoire en adaptation visant à établir la nécessité d’une transmission des données à caractère personnel qu’elle n’a pas été mise en mesure d’examiner au moment de l’adoption de la décision attaquée.

52      Il importe de rappeler que, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés conformément à la procédure législative ordinaire. Le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent le considérant 4 et l’article 1er de celui-ci, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 111, et du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 40).

53      Le principe de l’accès le plus large possible du public aux documents n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. En effet, le règlement no 1049/2001, notamment en son considérant 11 et en son article 4, prévoit un régime d’exceptions imposant aux institutions et aux organismes de ne pas divulguer des documents dans le cas où ladite divulgation porterait atteinte à l’un de ces intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 111 ; du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 53, et du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 40).

54      Dès lors que les exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001 dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (voir, en ce sens, arrêts du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 75, et du 3 juillet 2014, Conseil/in’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 48).

55      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel.

56      Selon la jurisprudence, il en résulte que, lorsqu’une demande vise à obtenir l’accès à des données à caractère personnel, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), les dispositions de ce règlement deviennent intégralement applicables (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2015,ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 44 et jurisprudence citée).

57      Ainsi, des données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet d’une transmission à un tiers sur le fondement du règlement no 1049/2001 que lorsque cette transmission remplit les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous a) ou b), du règlement 2018/1725 et constitue un traitement licite conformément aux exigences de l’article 5 de ce même règlement (voir, par analogie, arrêt du 2 octobre 2014,Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 104).

58      À cet égard, selon l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, des données à caractère personnel ne sont transmises à des destinataires établis dans l’Union autres que les institutions et organes de l’Union que si le destinataire établit qu’il est nécessaire que ces données soient transmises dans un but spécifique d’intérêt public et le responsable du traitement établit, s’il existe des raisons de penser que cette transmission pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, qu’il est proportionné de transmettre les données à caractère personnel à cette fin précise, après avoir mis en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents.

59      Partant, il ressort des termes mêmes de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 qu’il subordonne la transmission de données à caractère personnel à la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

60      Il incombe d’abord au demandeur d’accès de démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public. Pour remplir cette condition, il faut démontrer que la transmission des données à caractère personnel est la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour atteindre l’objectif poursuivi par le demandeur et qu’elle est proportionnée à cet objectif, ce qui oblige le demandeur à présenter des justifications expresses et légitimes [voir arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 42 et jurisprudence citée]. Il en résulte que la mise en œuvre de la condition de démontrer la nécessité de la transmission des données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public conduit à reconnaître l’existence d’une exception à la règle fixée par l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 selon laquelle le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande d’accès (arrêt du 15 juillet 2015,Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 55).

61      Ce n’est que si cette démonstration est apportée qu’il appartient alors à l’institution concernée de vérifier s’il n’existe aucune raison de penser que la transmission en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée et, en pareil cas, de mettre en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents en vue d’évaluer la proportionnalité de la transmission de données à caractère personnel sollicitée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 47 et jurisprudence citée).

62      C’est à la lumière de ces considérations que doit être analysée la présente branche.

63      En l’espèce, la Commission a considéré que les requérants n’avaient établi aucune nécessité d’intérêt public particulière justifiant la transmission des données à caractère personnel, notamment « compte tenu de la divulgation de la version anonyme des déclarations d’absence de conflit d’intérêts ». Elle a ajouté qu’il existait des raisons de penser que la divulgation des données à caractère personnel porterait atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées, étant donné qu’il existerait un risque réel et non hypothétique que la divulgation porte atteinte à leur vie privée et les expose à des contacts extérieurs non sollicités, compte tenu du caractère sensible du sujet.

64      La Commission a donc conclu que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, l’accès aux données à caractère personnel ne pouvait être accordé.

65      Il y a lieu, dès lors, tout d’abord, de vérifier si les requérants ont démontré la nécessité du transfert des données à caractère personnel concernant les membres de l’équipe conjointe de négociation.

66      À cet égard, il convient d’admettre que la demande confirmative d’accès mentionnait seulement la circonstance que les « personnels, fonctionnaires, mandataires ou autres » de l’Union ayant négocié les contrats en cause seraient « investis d’une mission d’intérêt public » qu’ils ne pouvaient ignorer compte tenu de la couverture médiatique du sujet et que la transparence relèverait d’une poursuite de l’intérêt public au regard du caractère exceptionnel de la mise en œuvre de la procédure d’urgence et de la conclusion des contrats en cause. Ainsi, cette demande aurait pu faire apparaître plus explicitement que les requérants poursuivaient l’objectif de vérifier l’impartialité des membres de l’équipe conjointe de négociation.

67      Néanmoins, il y a lieu de relever que la demande confirmative d’accès a repris les termes de la demande initiale. En outre, dans la demande initiale, les requérants ont posé des questions à la Commission afin de savoir « [q]uelles [étaient] les personnes mandatées par la Commission […] pour négocier avec les producteurs de vaccins » et « [q]uels [étaient] les liens d’intérêts directs ou indirects entre les producteurs de vaccins, les investisseurs ou [les] financiers liés aux parties ».

68      Par conséquent, lorsque les requérants ont demandé que des informations sur l’identité de ces membres et sur leurs liens éventuels avec les fabricants de vaccins leur soient transmises, la Commission était en mesure de comprendre que les demandeurs d’accès poursuivaient l’objectif rappelé au point 66 ci-dessus, à savoir vérifier l’impartialité des membres de l’équipe conjointe de négociation.

69      Partant, il convient de constater que les requérants ont bien avancé des arguments visant à démontrer la nécessité du transfert des données à caractère personnel. Il y a lieu, dès lors, d’écarter les arguments de la Commission tirés du fait que les requérants auraient invoqué un tel but spécifique d’intérêt public seulement pour la première fois devant le Tribunal.

70      Or, il ressort du considérant 2 du règlement no 1049/2001 que la transparence permet de conférer aux institutions de l’Union une plus grande légitimité,efficacité et responsabilité à l’égard des citoyens de l’Union dans un système démocratique (voir arrêt du 22 janvier 2020, PTCTherapeutics International/EMA, C‑175/18 P, EU:C:2020:23, point 53 et jurisprudence citée). Par ailleurs, selon le considérant 28 du règlement 2018/1725, un but spécifique d’intérêt public au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), dudit règlement pourrait avoir trait à la transparence des institutions et des organes de l’Union.

71      Dans ce contexte, la transparence du processus suivi par la Commission lors des négociations avec les fabricants de vaccins contre la COVID‑19 et de la conclusion des contrats en cause au nom des États membres pourrait, en effet, constituer un but spécifique d’intérêt public au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, en ce qu’elle est susceptible de contribuer à augmenter la confiance des citoyens de l’Union à l’égard de la stratégie vaccinale promue par cette institution et, par suite, à notamment lutter contre la diffusion de fausses informations en ce qui concerne les conditions entourant la négociation et la conclusion desdits contrats (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2022, Saure/Commission, T‑448/21, non publié, EU:T:2022:525, point 45, et du 7 septembre 2022, Saure/Commission, T‑651/21, non publié, EU:T:2022:526, point 46), notamment en permettant aux citoyens de l’Union de s’assurer de l’absence de tout conflit d’intérêts entre les membres de l’équipe conjointe de négociation et lesdits fabricants de vaccins.

72      En outre, la nature générale de la justification du transfert de données à caractère personnel n’a pas d’incidence directe sur le point de savoir si le transfert est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par le demandeur (arrêt du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 61).

73      Compte tenu de ces éléments, le Tribunal considère que les requérants ont suffisamment indiqué le but spécifique d’intérêt public qu’ils poursuivaient ainsi que la nécessité de la transmission des données à caractère personnel en cause. En effet, ce n’est qu’en possession des noms, prénoms et rôle professionnel ou institutionnel des membres de l’équipe conjointe de négociation que les requérants auraient pu vérifier que lesdits membres n’étaient pas en situation de conflit d’intérêts.

74      Ensuite, concernant le risque d’atteinte à la vie privée des personnes concernées, il y a lieu de relever que la Commission a soutenu que la divulgation de l’identité des membres de l’équipe conjointe de négociation était susceptible de porter atteinte à la vie privée des personnes concernées, en les exposant à des contacts extérieurs non sollicités compte tenu notamment du caractère sensible du sujet traité.

75      À cet égard, il convient de relever une contradiction dans l’argumentation avancée par les requérants afin de remettre en cause cette appréciation. En effet, d’une part, ils soutiennent que, en raison de leur mission d’intérêt public, la divulgation de l’identité des membres de l’équipe conjointe de négociation n’entraînerait aucun risque de contacts externes non sollicités. D’autre part, ils affirment que, en raison de la nature même de leurs fonctions, lesdits membres s’exposent à des sollicitations externes non sollicitées.

76      En tout état de cause, force est de constater que la Commission ne s’est pas fondée sur la nature de la mission exercée par les membres de l’équipe conjointe de négociation pour considérer qu’ils seraient exposés à des contacts extérieurs non sollicités, mais sur leur implication dans le sujet traité, à savoir la conclusion de contrats pour la production et l’achat de vaccins contre la COVID-19.

77      Or, les requérants ne contestent pas le contexte particulier dans lequel les membres de l’équipe conjointe de négociation ont dû travailler, à savoir une époque caractérisée par une forte demande pour les vaccins contre la COVID-19 et, dans le même temps, par une défiance d’une partie des citoyens de l’Union à l’égard de la stratégie vaccinale promue par la Commission. Dans ces conditions, l’exposition des membres de l’équipe conjointe de négociation à des contacts extérieurs non sollicités à la suite de la divulgation de leur identité n’était pas simplement hypothétique.

78      La circonstance avancée par les requérants selon laquelle ils ne demandaient pas que soient divulguées des informations relatives à l’adresse des membres de l’équipe conjointe de négociation ou des informations relevant de l’article 10 du règlement 2018/1725 ne saurait remettre en cause cette conclusion, dès lors que la divulgation de l’identité d’une personne ouvre la possibilité de faire des recherches sur celle-ci et donc de trouver de telles informations.

79      Les requérants ayant démontré la nécessité du transfert des données à caractère personnel et la Commission ayant, à juste titre, considéré qu’il existait un risque d’atteinte à la vie privée des personnes concernées, il revenait à la Commission de mettre en balance les intérêts en présence.

80      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la Commission a pris en considération, d’une part, le rôle technique dans le processus de passation des marchés joué par les membres de l’équipe conjointe de négociation et, d’autre part, la circonstance que les requérants avaient eu accès à des informations grâce à la divulgation partielle du sujet débattu dans les documents contractuels et à la divulgation de la version anonyme des déclarations d’absence de conflit d’intérêts et de respect de la confidentialité.

81      Or, ce faisant, d’une part, la Commission n’a pas expliqué en quoi le fait que le rôle des membres de l’équipe conjointe de négociation était seulement technique devrait prévaloir sur l’objectif que les requérants s’étaient fixés, à savoir vérifier l’absence de conflit d’intérêts dans le chef desdits membres.

82      À cet égard, la décision attaquée ne laisse pas apparaître de manière expresse les considérations supplémentaires invoquées dans le cadre du présent recours ayant trait, en substance, à la mise en balance des divers intérêts concurrents et, notamment, relatives à l’éventuelle position des membres de l’équipe conjointe de négociation dans une hiérarchie (voir point 51 ci-dessus).

83      D’autre part, les requérants ont, certes, pris connaissance, notamment, du contenu de la déclaration d’absence de conflit d’intérêts signée par les membres de l’équipe conjointe de négociation.

84      Toutefois, en l’absence de divulgation de l’identité des membres de l’équipe conjointe de négociation, le but spécifique d’intérêt public poursuivi par les requérants, qui consiste à permettre aux citoyens de l’Union de s’assurer de l’absence de tout conflit d’intérêts entre les membres de cette équipe et les fabricants de vaccins, ne peut pas être atteint. En effet, le simple fait que tous les membres de l’équipe conjointe de négociation aient signé une déclaration d’absence de conflit d’intérêts ne permet pas au citoyen de s’assurer, lui-même, que ces membres ont assuré leur mission en totale indépendance.

85      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, contrairement à ce que la Commission a considéré dans la décision attaquée, les requérants ont démontré la nécessité d’obtenir l’accès au nom et au prénom des membres de l’équipe conjointe de négociation afin d’atteindre un but spécifique d’intérêt public et, dès lors, que la première des conditions requises par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 pour autoriser la transmission de ces informations est remplie en l’espèce. De plus, la Commission n’a pas suffisamment pris en compte les différentes circonstances de la présente espèce afin de mettre correctement en balance les intérêts en présence.

86      En revanche, la divulgation de la date à laquelle ces déclarations d’absence de conflit d’intérêts ont été signées ainsi que de la signature manuscrite des membres de l’équipe conjointe n’apparaît pas nécessaire aux fins de vérifier leur impartialité.

87      Les arguments de la Commission n’infirment pas cette conclusion.

88      Premièrement, à la différence de la présente affaire, la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 avril 2022, Saure/Commission (T‑506/21, non publié, EU:T:2022:225), n’avait pas justifié sa demande d’accès par la nécessité de s’assurer de l’absence de tout conflit d’intérêts entre les membres de l’équipe conjointe de négociation, dont certains faisaient partie du comité de pilotage, et les fabricants de vaccins. Partant, les arguments que la Commission tire de cet arrêt doivent être écartés.

89      Deuxièmement, la Commission ne saurait utilement reprocher aux requérants de n’avoir fait état d’aucun élément concret permettant de douter de l’indépendance des membres de l’équipe conjointe de négociation.

90      Certes, la Commission observe à juste titre que, dans l’arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA (C‑615/13 P, EU:C:2015:489), c’est seulement après avoir constaté que les allégations des parties requérantes étaient étayées par des éléments concrets faisant état des liens entretenus par un certain nombre d’experts choisis par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avec les milieux industriels, liens qui étaient précisément à l’origine des accusations de partialité portées contre cette autorité et ses experts, que la Cour a annulé la décision de l’EFSA portant refus d’accès au nom des experts ayant soumis des observations individuelles dans le cadre de l’élaboration d’un projet d’orientation.

91      Toutefois, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les parties requérantes avaient été informées du nom des experts concernés et elles avaient obtenu l’accès à leurs déclarations d’intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 58). Or, en l’occurrence, les requérants ignorent l’identité des experts désignés par les États membres représentés au sein de l’équipe conjointe de négociation, de sorte qu’ils n’étaient pas en mesure d’apporter des indices permettant de douter de leur impartialité.

92      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir la première branche du deuxième moyen.

b)      Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de linapplicabilité de lexception relative à la protection des intérêts commerciaux des entreprises (article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001)

93      Par la seconde branche du deuxième moyen qui concerne les contrats en cause, les requérants font valoir que l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’une entreprise ne s’oppose pas à la divulgation de certaines informations occultées au titre de cette exception, s’agissant en particulier d’éléments juridiques et scientifiques constitués des stipulations relatives aux propriétés des vaccins, des stipulations relatives aux modalités de contrôle qualité des produits, des stipulations relatives à la responsabilité et à l’indemnisation et des stipulations relatives aux sous-traitants.

94      Les requérants reprochent ainsi à la Commission de s’être prévalue à tort, dans la décision attaquée, de différents arguments, à savoir le caractère sensible de l’information, la crainte d’effets négatifs liés à la divulgation des données, la crainte d’actions judiciaires, le risque de fournir un avantage concurrentiel à certains fabricants de vaccins ou encore l’atteinte portée à la réputation des fabricants de vaccins qui ont conclu les contrats en cause avec la Commission auprès des consommateurs et des partenaires commerciaux, pour s’opposer à la divulgation des stipulations mentionnées au point 93 ci-dessus et, notamment, à celles relatives à l’indemnisation.

95      La Commission considère que ces allégations ne remettent pas en cause la motivation figurant dans la décision attaquée.

96      Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

97      Dans ce cadre, il convient de rappeler qu’il ressort du libellé même de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 qu’une simple atteinte aux intérêts visés est susceptible de justifier l’application, le cas échéant, de l’une des exceptions qui y sont énumérées, sans que cette ingérence doive atteindre un seuil de gravité particulier (arrêt du 22 janvier 2020, PTCTherapeutics International/EMA, C‑175/18 P, EU:C:2020:23, point 90).

98      Il ressort de la jurisprudence, en plus de celle déjà rappelée aux points 52 à 54ci-dessus, que le régime des exceptions prévu à l’article 4 du règlement no 1049/2001, et notamment au paragraphe 2 de celui-ci, est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42, et du 23 septembre 2015, ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, T‑245/11, EU:T:2015:675, point 168).

99      S’agissant du concept d’intérêts commerciaux, il y a lieu de relever que le règlement no 1049/2001 ne définit pas cette notion, sauf en ce qu’il précise que ces intérêts peuvent couvrir la propriété intellectuelle d’une personne physique ou morale déterminée. De plus, il convient de rappeler que, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité commerciale, mais il incombe à l’institution concernée de fournir des explications quant aux questions de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux et de démontrer que ce risque d’atteinte est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, Conseil/in’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52 et jurisprudence citée, et du 27 février 2018, CEE Bankwatch Network/Commission, T‑307/16, EU:T:2018:97, points 103 à 105 et jurisprudence citée).

100    Par ailleurs, il y a lieu de noter que toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (voir arrêt du 9 septembre 2014,MasterCarde.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 81 et jurisprudence citée). Toutefois, cette protection peut couvrir des informations commerciales sensibles, telles que des informations relatives aux stratégies commerciales d’entreprises, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, points 54 à 56, et du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, points 82 et 83).

101    Enfin, dans le contexte de l’application des dispositions du règlement no 1049/2001, l’obligation pour l’institution de motiver sa décision refusant l’accès à un document a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 20 et jurisprudence citée).

102    C’est à la lumière de ces considérations que doit être analysée la présente branche.

103    Dans ce cadre, pour autant que les requérants font valoir que l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux ne pouvait être appliquée en raison du contexte dans lequel les contrats en cause avaient été conclus, le Tribunal relève que les entreprises concernées, qui sont toutes des sociétés pharmaceutiques privées, exercent des activités commerciales dans le cadre desquelles elles sont soumises à la concurrence au sein du marché intérieur et sur les marchés internationaux et ce contexte les conduit à devoir préserver leurs intérêts sur lesdits marchés.

104    Or, il ressort de la jurisprudence que si une entreprise à capitaux publics peut détenir des intérêts commerciaux susceptibles d’être protégés au même titre que ceux d’une entreprise privée (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2018, CEE Bankwatch Network/Commission, T‑307/16, EU:T:2018:97, point 108), il doit a fortiori en aller de même pour une entreprise privée, quand bien même celle-ci contribue à la réalisation de tâches d’intérêt public (arrêt du 5 décembre 2018, Falcon Technologies International/Commission, T‑875/16, non publié, EU:T:2018:877, point 49).

105    Ainsi, la seule circonstance que les entreprises concernées aient, par le biais d’acomptes ou de paiements anticipés provenant de fonds publics, participé à la réalisation de tâches d’intérêt public, notamment la mise au point de vaccins contre la COVID-19, n’est pas de nature, en tant que telle, à considérer que leurs intérêts commerciaux ne sont pas susceptibles d’être protégés.

106    En outre, le Tribunal relève que les contrats en cause sont des contrats d’une importance certaine, susceptibles de contenir des informations confidentielles sensibles relatives aux entreprises concernées et à leurs relations d’affaires au sens de la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus.

107    Il s’ensuit que le contexte dans lequel les contrats en cause ont été conclus ne s’oppose pas à l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

1)      Sur le refus partiel d’accès aux stipulations relatives aux propriétés des vaccins et au contrôle qualité

108    Par un premier grief, les requérants contestent, en substance, le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée et son bien-fondé pour justifier le refus partiel d’accès aux stipulations relatives aux propriétés des vaccins et au contrôle qualité, sur le fondement de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

109    Dans ce cadre, les requérants mettent en exergue le fait que le document 13 a été expurgé de l’annexe V s’agissant des propriétés des vaccins et que les documents 4 et 6 ont été expurgés de la stipulation I.6.13, intitulée « Tests et vérifications de qualité » (quality tests and checks), s’agissant du contrôle qualité.

110    Les requérants affirment que les stipulations relatives aux propriétés des vaccins et aux modalités de contrôle qualité ont été occultées sans qu’aucun intérêt commercial ne puisse le justifier. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas démontré en quoi la divulgation des modalités de contrôle qualité des vaccins aurait pour effet de porter atteinte à la capacité industrielle des entreprises concernées. La divulgation desdites stipulations permettrait de fournir les gages nécessaires de qualité des vaccins et de poursuivre les objectifs de l’Union. Selon les requérants, la protection des intérêts commerciaux ou concurrentiels desdites entreprises ne saurait prévaloir sur le droit à la vie.

111    La Commission conteste cette argumentation.

i)      Sur la motivation de la décision attaquée

112    Au point 2.2.2 de la décision attaquée, dédié aux risques relatifs à l’organisation et à la capacité industrielle des entreprises concernées, la Commission a indiqué que certains passages occultés contiendraient des éléments qui ne sont pas publics et qui sont directement liés au savoir-faire (know-how) en matière de production du vaccin. Si les détails concernant le produit et la technologie mis au point par les entreprises concernées étaient divulgués, ils pourraient être exploités par leurs concurrents et, en particulier, par ceux qui utiliseraient la même technologie pour concevoir leurs propres produits, réduisant à néant leurs efforts industriels, nuisant à leur position sur le marché et compromettant l’exécution même des contrats en cause.

113    À titre d’exemples concrets de stipulations qui se retrouveraient dans cette catégorie, la Commission a fait référence à certaines parties de la définition du « produit » (product) dans le document 7 et de la définition du « vaccin » (vaccine) ou d’un « vaccin adapté » (adapted vaccine) dans le document 5. Elle a également mis en exergue les informations figurant dans les annexes aux contrats en cause portant sur les « conditions de fabrication des vaccins » (specification of the product), dont l’annexe IV du document 7. Enfin, elle a signalé les stipulations en lien avec le processus de livraison lorsqu’il serait possible d’en extrapoler des détails techniques sur le processus de production. Dans ce cadre, elle a mentionné, à titre d’exemples, une stipulation sur le stockage, le transport et l’acceptation du produit dans le document 4 et une pièce jointe audit document portant sur les cahiers des charges de livraison et la chaîne du froid, ainsi que l’intégralité de la deuxième partie du document 6.

114    En outre, la Commission a précisé que, lors de l’évaluation de l’applicabilité de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux aux informations occultées, différents facteurs avaient été pris en considération, notamment la situation particulière de chaque entreprise concernée, ses caractéristiques, ses relations avec d’autres acteurs commerciaux et ses stratégies de marché et d’entreprise et l’usage que ses concurrents pourraient faire de l’information divulguée.

115    Il ressort de ces considérations que la Commission a fourni des explications, assorties d’exemples concrets, sans divulguer le contenu des informations occultées de sorte à priver l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux de sa finalité essentielle, quant à la nature des stipulations occultées ayant trait au savoir-faire des entreprises concernées et aux conditions de fabrication des vaccins. Lesdites explications couvrent les stipulations sur les « propriétés » des vaccins et le « contrôle qualité » dans la mesure où ce dernier englobe les conditions de fabrication des vaccins, visées par les requérants.

116    De même, la Commission a fourni des explications circonstanciées quant à la manière dont leur divulgation pouvait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux desdites entreprises.

117    Par ailleurs, si la Commission est tenue d’exposer les motifs qui justifient l’application à l’espèce d’une des exceptions au droit d’accès prévues par le règlement no 1049/2001, elle n’est pas dans l’obligation de fournir des renseignements allant au-delà de ce qui est nécessaire à la compréhension, par le demandeur d’accès, des raisons à l’origine de sa décision et au contrôle, par le Tribunal, de la légalité de cette dernière (arrêt du 30 janvier 2008,Terezakis/Commission, T‑380/04, non publié, EU:T:2008:19, point 119).

118    Or, le Tribunal relève que ce n’est qu’au stade du mémoire en adaptation que les stipulations relatives aux propriétés des vaccins, notamment dans le document 13, et la stipulation intitulée « Tests et vérifications de qualité », dans les documents 4 et 6, ont été visées par les requérants.

119    Il s’ensuit que les motifs de la décision attaquée permettent aux requérants de comprendre les raisons qui ont conduit la Commission à occulter, dans les contrats en cause, les stipulations ayant trait à des informations commercialement sensibles et ne relevant pas du domaine public, en lien avec le savoir-faire des entreprises concernées et les conditions de fabrication des vaccins, dont les propriétés des vaccins, et au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité desdites occultations, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 101 et 117 ci-dessus.

120    Partant, le grief tiré de l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée à cet égard doit être rejeté.

ii)    Sur le bien-fondé de la motivation de la décision attaquée

121    S’agissant du bien-fondé des motifs dans la décision attaquée pour justifier l’occultation partielle des informations litigieuses, il convient de déterminer si la Commission a fourni des explications plausibles quant au point de savoir de quelle manière l’accès aux informations occultées pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées et si l’atteinte alléguée peut être considérée comme raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 58).

122    Conformément à la jurisprudence citée aux points 97 et 99 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue d’établir l’existence d’un risque certain d’atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées.

123    Il suffit que la décision attaquée comporte des éléments tangibles permettant de conclure que le risque d’atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées était, à la date de son adoption, raisonnablement prévisible et non purement hypothétique et fasse état de l’existence, à une telle date, de raisons objectives permettant de raisonnablement prévoir que de telles atteintes surviendraient en cas de divulgation des informations demandées par les requérants (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, EU:T:2011:252, points 78 et 79).

124    En l’espèce, ainsi qu’il est indiqué au point 112 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée que la Commission a refusé l’accès intégral à des stipulations ayant trait au savoir-faire des entreprises concernées, afin de ne pas risquer de dévoiler des éléments commercialement sensibles qui pourraient être exploités par leurs concurrents, à une époque caractérisée par une forte demande pour les vaccins contre la COVID-19 et dans un contexte hautement concurrentiel.

125    Ayant consulté la version intégrale du document 13, le Tribunal constate que l’annexe V de celui-ci est intitulée « Profil de produit envisagé » (target product profile) et trace les grandes lignes des caractéristiques d’un vaccin toujours en cours de développement. En outre, il relève du domaine public que le vaccin mis au point par cette entreprise n’a obtenu son autorisation de mise sur le marché qu’après la date d’adoption de la décision attaquée. De surcroît, il ressort de la réponse à une question écrite du Tribunal posée à la Commission que les livraisons au titre de ce même contrat d’achat anticipé n’ont débuté qu’au troisième trimestre de 2022, à savoir après la date d’adoption de la décision attaquée.

126    Par ailleurs, le Tribunal constate, comme l’indique la Commission, que la stipulation I.6.13, intitulée « Tests et vérifications de qualité », occultée dans les documents 4, 5 et 6, ne concerne pas les obligations réglementaires de l’Union en matière de contrôle de qualité d’un médicament, mais un engagement contractuel portant sur l’organisation interne de ce fabricant en lien avec les conditions de fabrication du vaccin. En tout état de cause, il ressort de la stipulation I.6.5 de ces mêmes documents, à laquelle la Commission a accordé l’accès, que l’entreprise concernée est tenue de respecter toutes les conditions prévues dans les autorisations de mise sur le marché de ses produits.

127    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la divulgation intégrale de stipulations ayant trait au savoir-faire des entreprises concernées pourrait fournir aux concurrents desdites entreprises des informations commercialement sensibles portant sur leurs produits et technologies (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2022, Saure/Commission, T‑524/21, EU:T:2022:632, points 99 à 102).

128    Il découle de ce qui précède que les explications de la Commission dans la décision attaquée sur l’existence d’un risque raisonnablement prévisible et non hypothétique d’atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées relatif à la divulgation de stipulations ayant trait au savoir-faire desdites entreprises et, notamment, de l’annexe V du document 13 et de la stipulation I.6.13 des documents 4, 5 et 6, sont fondées.

129    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief de la seconde branche du deuxième moyen.

2)      Sur le refus partiel d’accès aux stipulations relatives à l’indemnisation

130    Par un deuxième grief, les requérants contestent, en substance, le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée et son bien-fondé pour justifier le refus partiel d’accès aux stipulations relatives à la responsabilité et à l’indemnisation sur le fondement de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

131    Premièrement, les requérants contestent les considérations invoquées dans la décision attaquée selon lesquelles la divulgation intégrale des stipulations relatives à la responsabilité et à l’indemnisation pourrait engendrer de multiples actions en justice abusives et injustifiées. Ces considérations seraient hypothétiques et spéculatives et cela serait démontré par l’utilisation, dans la décision attaquée, du conditionnel.

132    Deuxièmement, les requérants font valoir que l’hypothèse selon laquelle la divulgation intégrale des stipulations en question révélerait aux concurrents de l’entreprise concernée les « points faibles » de la couverture de sa responsabilité et fournirait auxdits concurrents un avantage concurrentiel n’a pas été démontrée et ne saurait prévaloir sur le droit à la vie et à la réparation de dommages causés par des vaccins éventuellement défectueux.

133    Troisièmement, les requérants contestent que la divulgation intégrale des stipulations en question aurait un impact sur la réputation générale des entreprises concernées. Les éléments mis en avant par la Commission seraient hypothétiques. La réputation des entreprises concernées serait atteinte par l’« imputation d’un caractère non indemnisable » aux préjudices résultant de produits défectueux et par la non-divulgation desdites stipulations. Par ailleurs, les documents demandés concerneraient davantage des éléments juridiques et scientifiques que des informations d’intérêt commercial.

134    La Commission conteste cette argumentation.

135    La Commission soutient que les stipulations en question ont la même importance économique et financière que tout autre élément de coût pour l’entreprise concernée et ont fait l’objet de négociations individuelles.

136    Premièrement, la Commission estime que la divulgation intégrale des stipulations en question augmenterait le nombre de recours en réparation contre l’entreprise concernée, car elle pourrait inciter l’introduction de recours en réparation et donnerait à la partie demanderesse davantage d’arguments sur lesquels tenter d’établir le caractère défectueux du vaccin. Elle souligne que, contrairement à ce que font valoir les requérants, l’intérêt commercial protégé ne consisterait pas à exonérer les entreprises concernées de leur responsabilité.

137    Deuxièmement, la Commission soutient que la décision attaquée explique, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles la divulgation intégrale des stipulations en question aurait des répercussions commerciales négatives pour les entreprises concernées, notamment en procurant un avantage concurrentiel à des concurrents et en dévoilant l’ampleur du risque financier accepté par celles-ci dans le cadre des contrats en cause.

138    Troisièmement, la Commission conteste l’argumentation des requérants selon laquelle les éléments juridiques ou scientifiques ne présenteraient pas d’intérêt commercial. Dans ce cadre, elle souligne que les conditions des engagements financiers prévues dans les contrats en cause ou les données scientifiques peuvent avoir une sensibilité commerciale.

i)      Sur la motivation de la décision attaquée

139    En l’espèce, au point 2.2.1 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les informations occultées au titre de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, contenaient des éléments sensibles sur le plan commercial relatives, notamment, à la responsabilité et à l’indemnisation. Elle a exposé que la divulgation intégrale de telles informations pourrait dévoiler, aux concurrents de l’entreprise concernée, le bénéfice précis résultant de la négociation pour ladite entreprise.

140    Ensuite, au point 2.2.4, tout d’abord, la Commission a abordé, en substance, la responsabilité non contractuelle des entreprises concernées à l’égard de tierces personnes, notamment pour des effets indésirables découlant de l’utilisation du vaccin, et les stipulations relatives à l’éventuelle indemnisation, à savoir le remboursement, par les États membres des entreprises concernées, dans l’hypothèse où ces dernières seraient condamnées à verser des dommages et intérêts à des personnes tierces au titre de leur responsabilité non contractuelle. Ensuite, elle a abordé divers aspects de la responsabilité contractuelle des entreprises concernées.

141    Ainsi, la Commission a précisé que la divulgation intégrale des stipulations en question risquait de porter atteinte aux intérêts commerciaux desdites entreprises à trois égards.

142    Premièrement, une connaissance précise des limites de la responsabilité de l’entreprise concernée permettrait un comportement stratégique à son égard, dans la mesure où elle pourrait être confrontée aux conséquences économiques de multiples actions en justice, engagées de manière abusive et injustifiée, uniquement dans le but de recevoir une indemnisation liée à l’utilisation de son vaccin. Deuxièmement, la divulgation intégrale des stipulations relatives à l’indemnisation des entreprises concernées par les États membres, en particulier celles définissant les conditions exactes dans lesquelles une indemnisation par l’État membre est exclue, révélerait inévitablement aux concurrents de l’entreprise concernée, y compris ceux ne produisant pas de vaccins, les « points faibles » de la couverture de sa responsabilité et leur fournirait un avantage concurrentiel qu’ils pourraient exploiter. Troisièmement, une connaissance précise des limites de la responsabilité de l’entreprise concernée aurait également un impact sur sa réputation générale auprès des consommateurs et de ses partenaires commerciaux potentiels. Selon la Commission, ces motifs expliqueraient les raisons pour lesquelles certains passages relatifs à la dérogation à la stipulation relative à l’indemnisation, à savoir les conditions dans lesquelles une entreprise concernée donnée ne sera pas indemnisée, ne sauraient être divulgués. Dans ce cadre, elle a fait référence, à titre d’exemple, aux occultations dans la stipulation I.12 du document 4.

143    Ensuite, la Commission a indiqué que certaines stipulations portant sur la responsabilité contractuelle revêtiraient une dimension commerciale évaluée et négociée avec l’entreprise concernée, dont la divulgation révélerait aux concurrents de cette dernière des informations concernant sa capacité et sa stratégie internes, en particulier dans la mesure où ces informations seraient de nature à permettre de connaître avec précision les coûts qu’une rupture de contrat pourrait engendrer pour cette entreprise. La Commission a illustré ses propos par des exemples de stipulations précises.

144    La Commission a précisé que les informations occultées étaient sensibles sur le plan commercial. D’une part, la divulgation de ces informations permettrait de connaître avec précision les coûts qu’une violation du contrat pourrait engendrer pour les entreprises concernées. D’autre part, la divulgation de ces informations pourrait se révéler préjudiciable aux entreprises concernées, car elles donneraient aux concurrents de cette dernière une idée très réaliste des bénéfices réels obtenus en vertu du contrat en cause, alors que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, ces mêmes entreprises négociaient des contrats pour la livraison de vaccins contre la COVID-19 avec des acheteurs de pays tiers, la concurrence à cet égard s’exerçant sur un marché mondial. La Commission a encore précisé que ce conflit potentiel avec les intérêts commerciaux des entreprises concernées serait d’autant plus préjudiciable que l’exécution de certains contrats était sur le point de démarrer, comme cela était le cas, au moment de l’adoption de la décision attaquée, notamment, des documents 5 et 6.

145    Enfin, la Commission a souligné que, dans ce contexte, le marché mondial sur lequel les entreprises concernées menaient leurs activités devait être pris en considération dans l’évaluation des effets de la divulgation des stipulations en question au titre du règlement no 1049/2001. Elle a indiqué que, lors de l’évaluation de l’applicabilité de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, différents facteurs avaient été pris en considération, notamment la situation particulière de chaque fabricant de vaccins sur le marché, ses caractéristiques, ses relations avec d’autres acteurs commerciaux, ses stratégies de marché et d’entreprise et l’usage que ses concurrents pourraient faire des informations divulguées. Elle en a conclu que la divulgation intégrale des contrats conclus avec les entreprises concernées constituerait une atteinte aux intérêts commerciaux de ces dernières, essentiellement en compromettant leur compétitivité sur les marchés mondiaux.

146    Il ressort de ces considérations que la Commission a fourni des explications quant au caractère commercialement sensible des informations contenues dans les stipulations relatives à la responsabilité et à l’indemnisation. De même, la Commission a expliqué, à suffisance de droit, comment, selon elle, la divulgation intégrale desdites stipulations pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées, que ce soit entre elles ou entre elles et des tiers avec lesquels elles seraient en concurrence.

147    Il s’ensuit que les motifs de la décision attaquée permettent aux requérants de comprendre les raisons spécifiques qui ont conduit la Commission à occulter, partiellement, dans les contrats en cause, les stipulations relatives à la responsabilité des entreprises concernées, tant contractuelle que non contractuelle, ainsi que les stipulations relatives à l’éventuelle indemnisation par les États membres d’éventuelles obligations encourues par les entreprises concernées en cas de mise en cause de leur responsabilité non contractuelle et au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité desdites occultations, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 101 et 117 ci-dessus.

148    Partant, le grief tiré de l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée à cet égard doit être rejeté.

ii)    Sur le bien-fondé de la motivation de la décision attaquée

149    S’agissant du bien-fondé des motifs avancés par la Commission pour justifier l’occultation partielle des stipulations relatives à la responsabilité et à l’indemnisation, il convient de déterminer si, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 97, 99, 121 et 123 ci-dessus, elle a fourni des explications plausibles quant au fait que l’accès aux informations occultées pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées et quant au fait que l’atteinte alléguée pourrait être considérée comme raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

–       Sur les stipulations relatives à la responsabilité contractuelle

150    En l’espèce, ainsi qu’il est indiqué aux points 143 à 145 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée que la Commission a refusé l’accès intégral aux stipulations relatives à la responsabilité contractuelle des entreprises concernées afin de ne pas risquer de dévoiler des informations prétendument commercialement sensibles relatives aux risques identifiés concernant la mise en œuvre des contrats en cause et aux seuils financiers acceptés à l’égard desdits risques par lesdites entreprises, à une époque caractérisée par une forte demande pour les vaccins contre la COVID-19 et durant laquelle des négociations avec des acheteurs de pays tiers étaient en cours ou, à tout le moins, envisageables.

151    Ayant consulté les versions intégrales des contrats en cause, le Tribunal constate que les stipulations relatives à la responsabilité des entreprises concernées en cas de violation, de résiliation ou de suspension desdits contrats, notamment en lien avec des retards de livraison ou des livraisons manquantes, sont différentes. Par ailleurs, les requérants ne contestent ni le contexte de forte demande pour des vaccins contre la COVID-19, ni la circonstance que des négociations avec des acheteurs de pays tiers étaient en cours ou, à tout le moins, envisageables.

152    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la divulgation intégrale desdites stipulations pourrait fournir aux concurrents des entreprises concernées ainsi qu’à des acheteurs tiers des informations commercialement sensibles portant sur des éléments de coûts, sur leurs capacités et leurs stratégies internes et sur les seuils financiers acceptés (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2022, Saure/Commission, T‑524/21, EU:T:2022:632, points 99 à 102).

153    Il découle de ce qui précède que les explications de la Commission dans la décision attaquée sur l’existence d’un risque raisonnablement prévisible et non hypothétique d’atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées en ce qui concerne la divulgation intégrale des stipulations relatives à la responsabilité contractuelle desdites entreprises sont fondées.

–       Sur les stipulations relatives à l’indemnisation

154    À titre liminaire, il importe de relever que, selon les articles 1er et 12 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO 1985, L 210, p. 29), le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit et sa responsabilité ne peut être limitée ou écartée à l’égard de la victime par une clause limitative ou exonératoire de responsabilité. Ainsi, comme cela a été reconnu par la Commission à l’audience, en l’absence de modification de la directive 85/374, ni la Commission ni les États membres n’étaient en droit de déroger aux dispositions de ladite directive.

155    Par ailleurs, aucune disposition de la directive 85/374 n’interdit qu’un tiers, en l’espèce un État membre, rembourse les dommages et intérêts qu’un producteur aurait versés en raison de la défectuosité de son produit.

156    En outre, le Tribunal observe que l’article 6, troisième alinéa, de l’accord du 16 juin 2020 sur l’achat de vaccins contre la COVID-19 conclu entre la Commission et les États membres a été publié sur le site Internet de la Commission le 7 septembre 2020 et entièrement divulgué en tant qu’annexe aux contrats en cause, exception faite du document 1. Cette disposition envisage un mécanisme d’indemnisation des entreprises concernées par les États membres des coûts économiques, à savoir d’éventuels dommages et intérêts, qui incomberaient normalement auxdites entreprises au titre de leur responsabilité pour leurs vaccins. De même, la communication COM(2020) 245 final, mentionnée au point 3 ci-dessus, énonce que ce mécanisme devait s’analyser comme une « police d’assurance », consistant à transférer une partie du risque économique qui pesait sur l’industrie pharmaceutique vers les autorités publiques, en échange de quoi les États membres étaient assurés de bénéficier d’un accès équitable et abordable à un vaccin, s’il venait à être trouvé.

157    Il découle de ce qui précède que, d’une part, le mécanisme d’indemnisation des entreprises concernées par les États membres n’affecte en rien le régime de la responsabilité juridique desdites entreprises au titre de la directive 85/374 et, d’autre part, cette information relevait déjà du domaine public au moment du dépôt de la demande initiale d’accès et de l’adoption de la décision attaquée.

158    Ayant consulté les versions intégrales des contrats en cause, le Tribunal constate que, si les contrats d’achat anticipé et les contrats d’achat contiennent tous une stipulation relative à l’indemnisation, à l’instar de ce qui avait été prévu par l’article 6 de l’accord du 16 juin 2020 sur l’achat de vaccins contre la COVID-19 conclu entre la Commission et les États membres, le contenu détaillé desdites stipulations n’est pas identique. Dans ce cadre, le Tribunal relève l’existence de différences en ce qui concerne, premièrement, les situations précises dans lesquelles il a été convenu que l’indemnisation par l’État membre ne serait pas applicable, la plupart desdites situations demeurant néanmoins globalement similaires dans les contrats en cause, deuxièmement, le champ d’application temporel ou matériel de l’indemnisation éventuelle et, troisièmement, les modalités de gestion de la défense d’éventuels recours en réparation et de mise en œuvre d’une éventuelle indemnisation.

159    Ces précisions étant faites, il reste à déterminer si c’est à juste titre que la Commission a refusé la divulgation plus large, voire intégrale, des stipulations relatives à l’indemnisation.

160    À cet égard, ne saurait être retenu le premier motif invoqué dans la décision attaquée, à savoir qu’une connaissance précise des limites de la responsabilité de l’entreprise concernée permettrait un comportement stratégique à son égard, dans la mesure où elle pourrait être confrontée aux conséquences économiques de multiples actions en justice, engagées de manière abusive et injustifiée, uniquement dans le but de recevoir une indemnisation liée à l’utilisation de son vaccin.

161    En effet, même si le fait, pour une société, de se voir exposée à des actions en réparation peut indubitablement avoir pour conséquence des coûts élevés, que ce soit en termes de ressources économiques, de temps ou de personnel, y compris dans l’hypothèse où de telles actions seraient ultérieurement rejetées comme non fondées, le droit des personnes tierces éventuellement lésées par un vaccin défectueux d’introduire des recours en responsabilité contre les entreprises concernées repose sur la législation nationale transposant la directive 85/374. Ce droit de recours est indépendant de l’existence et du contenu des stipulations relatives à l’indemnisation.

162    En outre, l’intérêt des entreprises concernées d’éviter de telles actions en réparation, dans l’hypothèse où elles auraient effectivement produit et mis en circulation un vaccin défectueux, ne saurait être qualifié d’intérêt commercial et, en tout état de cause, ne constitue pas un intérêt digne de protection, eu égard notamment au droit qu’a toute personne de demander réparation du dommage que lui aurait causé un produit défectueux (voir, par analogie, arrêt du 15 décembre 2011, CDC Hydrogene Peroxide/Commission, T‑437/08, EU:T:2011:752, point 49 et jurisprudence citée). De même, le souhait d’éviter d’être exposé à des coûts plus importants liés à une procédure judiciaire ne constitue pas un intérêt protégé au titre de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2019, Intercept Pharma et Intercept Pharmaceuticals/EMA, T‑377/18, non publié, EU:T:2019:456, points 55 et 56).

163    En outre, la décision attaquée ne comporte aucun élément permettant de conclure que la divulgation plus large du mécanisme d’indemnisation des entreprises concernées pourrait être à l’origine de recours introduits à l’encontre de ces dernières. En effet, de tels recours auront toujours pour objet la condamnation du producteur de vaccins à la réparation du dommage subi, quelle que soit l’identité de l’entité qui, finalement, supportera les dommages et intérêts versés.

164    Dans ces conditions, le Tribunal considère que le premier motif invoqué dans la décision attaquée pour refuser la divulgation plus large de la stipulation relative à l’indemnisation ne démontre pas, comme le requiert la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus, l’existence d’un risque prévisible et non purement hypothétique pour les intérêts commerciaux des entreprises concernées.

165    Le deuxième motif invoqué dans la décision attaquée pour refuser la divulgation intégrale des stipulations relatives à l’indemnisation, en particulier celles définissant les conditions exactes dans lesquelles une indemnisation par l’État membre est exclue, est qu’une telle divulgation révélerait inévitablement aux concurrents de l’entreprise concernée, y compris ceux ne produisant pas de vaccins, les « points faibles » de la couverture de sa responsabilité et leur fournirait un avantage concurrentiel qu’ils pourraient exploiter, par exemple, dans des annonces publicitaires et des publicités comparatives.

166    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la raison pour laquelle les stipulations relatives à l’indemnisation ont été intégrées aux contrats en cause, à savoir compenser les risques encourus par les entreprises concernées liés au raccourcissement du délai de mise au point des vaccins, relevait du domaine public avant l’adoption de la décision attaquée.

167    En outre, tous les contrats en cause contiennent une stipulation relative à l’indemnisation qui, par ailleurs, énumère, de manière globalement similaire, les situations spécifiques principales dans lesquelles l’indemnisation de l’entreprise concernée par l’État membre est exclue.

168    Dès lors que toutes les entreprises concernées bénéficiaient, pour un motif identifié et légitime, d’une stipulation relative à l’indemnisation, la décision attaquée ne comporte aucun élément permettant de conclure que, en cas de divulgation plus large de la stipulation relative à l’indemnisation, le risque d’atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées, notamment en procurant un avantage concurrentiel auxdites entreprises entre elles, était, à la date de son adoption, raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

169    Dans ces conditions, le Tribunal considère que le deuxième motif invoqué dans la décision attaquée pour refuser la divulgation plus large de la stipulation relative à l’indemnisation ne démontre pas, comme le requiert la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus, l’existence d’un risque prévisible et non purement hypothétique pour les intérêts commerciaux des entreprises concernées.

170    S’agissant du troisième motif invoqué dans la décision attaquée pour refuser la divulgation intégrale de la stipulation relative à l’indemnisation, notamment des conditions dans lesquelles l’indemnisation par l’État membre est exclue, à savoir qu’une connaissance précise des limites de la responsabilité des entreprises concernées aurait des répercussions sur leurs réputations auprès des consommateurs et de leurs partenaires commerciaux éventuels, il convient de relever que, contrairement à ce que font valoir les requérants, une atteinte à la réputation d’une entreprise constitue assurément une atteinte à ses intérêts commerciaux dans la mesure où la réputation de tout opérateur actif sur un marché est essentielle pour la réalisation de ses activités économiques sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2018, Falcon Technologies International/Commission, T‑875/16, non publié, EU:T:2018:877, points 51 et 53).

171    Néanmoins, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 166 à 168 ci-dessus, la décision attaquée ne comporte aucun élément permettant raisonnablement de conclure que, en cas de divulgation plus large de la stipulation relative à l’indemnisation, le risque d’atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées, notamment à leur réputation, était, à la date de son adoption, raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

172    Dans ces conditions, le Tribunal considère que le troisième motif invoqué dans la décision attaquée pour refuser la divulgation plus large de la stipulation relative à l’indemnisation ne démontre pas, comme le requiert la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus, l’existence d’un risque prévisible et non purement hypothétique pour les intérêts commerciaux des entreprises concernées.

173    Au vu de ce qui précède, le deuxième grief de la seconde branche du deuxième moyen est fondé en ce qui concerne les stipulations relatives à l’indemnisation des contrats en cause.

174    Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir en partie le deuxième grief de la seconde branche du deuxième moyen en ce qui concerne les stipulations relatives à l’indemnisation et de le rejeter en partie en ce qui concerne les stipulations relatives à la responsabilité contractuelle des entreprises concernées.

3)      Sur le refus d’accès à la liste des partenaires de réseau de fabrication et des sous-traitants des entreprises concernées

175    Par un troisième grief, les requérants contestent le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée et son bien-fondé pour justifier le refus d’accès aux informations relatives à la liste des partenaires de réseau de fabrication et des sous-traitants des entreprises concernées, sur le fondement de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

176    La Commission conteste cette argumentation.

177    À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que le choix d’avoir un site de production dans un lieu donné ou de faire appel à un sous-traitant donné pour une tâche particulière relevait de la stratégie commerciale interne des entreprises concernées et résultait d’un choix économique précis. L’identité desdits sites et leur relation économique ou industrielle avec l’entreprise concernée ne relèveraient pas du domaine public. Elle a conclu que la divulgation des annexes de tous les contrats en cause portant sur les sous-traitants révélerait aux concurrents des entreprises concernées des éléments importants de leurs capacités industrielles et pourrait porter préjudice à leurs capacités industrielles à produire le vaccin, voire, à terme, entraver pour des raisons économiques, l’exécution intégrale des contrats conclus.

178    Ce faisant, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la Commission a fourni des explications suffisantes quant au caractère commercialement sensible des informations relatives à la liste des partenaires de réseau de fabrication et des sous-traitants des entreprises concernées, de sorte qu’il y a lieu de rejeter leur grief relatif au caractère insuffisant de la motivation de la décision attaquée à cet égard.

179    Ayant consulté les versions intégrales des contrats en cause, le Tribunal constate qu’ils exposent, avec un niveau de détail variable, l’identité et la localisation des divers sous-traitants ou partenaires des entreprises concernées ainsi que, selon le cas, l’attribution de tâches parmi les entités énumérées. En outre, dans certains cas, des modifications, telles que des ajouts ou des changements de sites ou de partenaires, ont été apportées au stade du contrat d’achat par rapport au contrat d’achat anticipé.

180    Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les informations sur la liste des partenaires de réseau de fabrication et sur les sous-traitants des entreprises concernées occultées dans les contrats en cause relevaient de leurs relations commerciales et, in fine, de leur capacité et de leur stratégie industrielle et commerciale.

181    Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 100ci-dessus, la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 peut couvrir de telles informations.

182    En outre, ainsi que le relève, en substance, la Commission, il ne saurait être exclu que les relations commerciales nouées par les entreprises concernées avec leurs partenaires de réseau de fabrication et leurs sous-traitants aient créé une synergie pourvue d’une valeur commerciale et que la divulgation de données nominatives concernant lesdites relations puisse porter atteinte aux intérêts commerciaux des intéressés ou nuire à la concurrence loyale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 novembre 2022, Antea Polska e.a., C‑54/21, EU:C:2022:888, point 79).

183    Par ailleurs, les informations figurant dans les contrats en cause ne sauraient être considérées comme étant historiques (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2015, Axa Versicherung/Commission, T‑677/13, EU:T:2015:473, point 154 et jurisprudence citée, et ordonnance du 12 juillet 2018, RATP/Commission, T‑250/18 R, non publiée, EU:T:2018:458, points 55 et 57). En effet, ces données dataient de moins de deux ans et, ainsi qu’il ressort de la réponse de la Commission à une question posée à titre de mesure d’organisation de la procédure, la plupart des contrats en cause étaient toujours en cours d’exécution au moment de l’adoption de la décision attaquée.

184    Enfin, les requérants ne contestent ni le contexte très concurrentiel dans lequel interviennent les entreprises concernées, ni le contexte de forte demande pour des vaccins contre la COVID-19.

185    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la divulgation intégrale de la liste des partenaires de réseau de fabrication et des sous-traitants pourrait fournir aux concurrents des entreprises concernées des informations commercialement sensibles portant sur leurs capacités industrielles (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2022, Saure/Commission, T‑651/21, non publié, EU:T:2022:526, points 108 et 109, et du 12 octobre 2022, Saure/Commission, T‑524/21, EU:T:2022:632, points 99 à 102).

186    Il découle de ce qui précède que les explications de la Commission dans la décision attaquée sur l’existence d’un risque raisonnablement prévisible et non hypothétique d’atteinte à la protection des intérêts commerciaux desdites entreprises en ce qui concerne la divulgation intégrale de la liste des partenaires de réseau de fabrication et des sous-traitants des entreprises concernées sont fondées.

187    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième grief de la seconde branche du deuxième moyen.

c)      Conclusion sur le deuxième moyen

188    Pour les motifs exposés aux points 65 à 92 et aux points 154 à 174 ci-dessus, la première branche du deuxième moyen et le deuxième grief de la seconde branche du deuxième moyen doivent être accueillis et la décision attaquée annulée en ce qui concerne le refus partiel d’accès aux déclarations d’absence de conflit d’intérêts et aux stipulations relatives à l’indemnisation, et le deuxième moyen doit être rejeté pour le surplus.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de lexistence dun intérêt public supérieur justifiant laccès intégral aux documents demandés

189    Au soutien du troisième moyen, les requérants font valoir que leur demande d’accès aux documents est justifiée par un intérêt public supérieur pouvant justifier spécifiquement la divulgation des informations sensibles occultées. En particulier, les requérants se prévalent du principe de la bonne gouvernance de l’Union et du principe de transparence, qui présenterait une acuité particulière, les documents demandés ayant participé à des atteintes à leurs droits fondamentaux. Ils invoquent également les principes fondamentaux régissant la commande publique de l’Union et les droits à un procès équitable, à une bonne administration et à l’intégrité de la personne. Ils demandent à pouvoir évaluer et vérifier les pratiques des acteurs institutionnels chargés de la négociation et de la passation des contrats en cause, contrôler la licéité desdits contrats, veiller à la bonne utilisation des fonds publics engagés par la Commission et consentir de manière libre et éclairée à la vaccination. Ils invoquent la réticence de nombreux citoyens à se faire vacciner, la circonstance qu’ils se seraient vus contraints à se faire vacciner eu égard aux restrictions à la libre circulation pour des motifs de santé publique imposées par les États membres et leur souhait de pouvoir accéder aux contrats en cause aux fins de leur bonne information et de leur consentement à un acte médical.

190    La Commission conteste cette argumentation.

191    À cet égard, à titre liminaire, d’une part, le Tribunal relève que l’examen du troisième moyen ne concerne que les contrats en cause, à savoir les documents à l’égard desquels la Commission a conclu qu’ils relevaient de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

192    En effet, les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 ne prévoient pas la mise en balance de l’intérêt public relatif à la vie privée et à l’intégrité de l’individu avec un intérêt public supérieur (arrêt du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 62). Partant, le troisième moyen ne concerne pas les déclarations d’absence de conflit d’intérêts traitées dans le cadre de la première branche du deuxième moyen.

193    D’autre part, le Tribunal rappelle que le deuxième grief de la seconde branche du deuxième moyen doit en partie être accueilli, en ce que les motifs pour refuser la divulgation plus large des stipulations relatives à l’indemnisation ne démontrent pas l’existence d’un risque prévisible et non purement hypothétique d’atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées, en violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. Il s’ensuit que l’examen du troisième moyen ne concerne pas cet aspect de la décision attaquée.

194    Conformément à l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document lorsque sa divulgation porterait atteinte, notamment, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée « à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ». Il en ressort que les institutions de l’Union ne peuvent refuser l’accès à un document lorsque sa divulgation est justifiée par un intérêt public supérieur, même si celle-ci pourrait porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée.

195    Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en balance, d’une part, l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, d’autre part, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi qu’il est précisé au considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration des citoyens dans un système démocratique (voir arrêt du 21 octobre 2010,AgapiouJoséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, non publié, EU:T:2010:442, point 136 et jurisprudence citée ; arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA, T‑718/15, EU:T:2018:66, point 107).

196    Il incombe au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur qui justifie la divulgation des documents concernés (voir arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 90 et jurisprudence citée). En effet, c’est à ceux qui soutiennent l’existence d’un intérêt public supérieur au sens du dernier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 qu’il incombe de le démontrer (arrêt du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑306/12, EU:T:2014:816, point 97).

197    Dans ce contexte, la personne qui entend s’opposer à un motif de refus de divulgation doit, d’une part, faire valoir l’existence d’un intérêt public susceptible de primer ce motif et, d’autre part, démontrer précisément que, dans le cas d’espèce, la divulgation des documents concernés contribuerait, de manière concrète, à assurer la protection de cet intérêt public à un point tel que le principe de transparence prime la protection des intérêts ayant motivé le refus de divulgation (voir, en ce sens, ordonnance du 21 mai 2019, Pint/Commission, C‑770/18 P, non publiée, EU:C:2019:436, point 18), à savoir, en l’espèce, la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées.

198    L’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous‑tendent le règlement no 1049/2001. Cependant, des considérations générales ne sauraient être retenues pour justifier l’accès aux documents demandés, lequel exige que le principe de transparence présente, dans la situation donnée, une acuité particulière qui prime les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en question (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 92 et 93 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, points 92 et 93).

199    Dans la demande confirmative, les requérants ont invoqué un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés fondé en substance sur la transparence qu’impliquait la « bonne gouvernance présidant au fonctionnement de l’Union selon l’article 15 TFUE ». Cet intérêt public prévaudrait sur les intérêts commerciaux des entreprises concernées compte tenu de l’état d’urgence sanitaire.

200    Dans la décision attaquée, par laquelle la Commission a accordé un accès plus large aux documents 1, 3 à 6, 8 et 9, précédemment divulgués, ainsi qu’un accès partiel aux documents 2, 7 et 10 à 13, lesquels n’avaient jusqu’alors pas été divulgués publiquement sous une forme expurgée, la Commission a indiqué reconnaître l’état d’urgence lié à la pandémie de la COVID-19, souscrire à l’importance de la confiance du public dans ses actions en ce qui concernait l’achat des vaccins et reconnaître le degré élevé de transparence exigé. Cependant, elle a estimé que les requérants n’avaient pas établi la nécessité de divulguer les informations commercialement sensibles occultées sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, les arguments portant sur la bonne gouvernance et sur la transparence seraient de nature générale. Elle a rappelé qu’elle avait communiqué de manière régulière des informations sur l’état d’avancement des négociations avec les entreprises concernées et les diverses démarches entreprises, y compris auprès du Parlement européen, afin d’assurer la transparence. Elle a exposé avoir consulté les entreprises concernées en vue d’accorder l’accès le plus large possible aux contrats en cause. Elle a souligné toutefois que le droit d’accès aux documents n’était pas un droit général et absolu. Elle a ensuite rappelé que des considérations générales, y compris sur la protection de la santé publique, n’étaient pas suffisantes pour justifier un intérêt public supérieur, sans précisions sur les motifs concrets justifiant dans quelle mesure la divulgation servirait cet intérêt public. Elle a précisé qu’elle n’avait pas été en mesure d’identifier un quelconque intérêt public susceptible de primer l’intérêt public et privé protégé par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. Enfin, elle a considéré que le fait que les contrats en cause se rapportaient à une procédure administrative et non à des actes législatifs renforçait la conclusion selon laquelle aucun intérêt public supérieur ne justifierait la divulgation des passages occultés.

201    En l’espèce, l’appréciation de la Commission n’est entachée d’aucune erreur de droit au regard de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

202    En particulier, les requérants n’ont fait état, dans leur demande confirmative, que de considérations générales relatives à la transparence et à la bonne gouvernance. Or, de telles considérations ne sauraient être de nature à établir que l’intérêt tenant à la transparence présentait, en l’espèce, une acuité particulière qui aurait pu primer les raisons justifiant le refus de divulgation des parties occultées des contrats en cause.

203    En tout état de cause, il convient de constater que la Commission n’a pas dénié l’existence d’un intérêt du public à recevoir des informations relatives à l’achat des vaccins et aux contrats en cause, mais a estimé, dans la décision attaquée, que cet intérêt était satisfait par les diverses démarches entreprises pour assurer la transparence, dont la publication d’informations actualisées sur l’état d’avancement des négociations et la communication d’informations au Parlement de vive voix et par écrit. Il convient de constater également que les informations occultées ne contiennent pas d’indications scientifiques relatives à l’efficacité et à la sécurité des vaccins qui porteraient sur les éventuelles préoccupations du public en ce qui concerne l’utilisation des vaccins.

204    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérants soulevés dans le cadre de leur mémoire en adaptation.

205    Premièrement, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort de la décision attaquée que la Commission a examiné la question de l’existence d’un intérêt public supérieur, le point 3 de cette décision étant dédié à ladite question.

206    Deuxièmement, dans la mesure où les requérants ont fait valoir dans la demande confirmative qu’il existait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation intégrale des contrats en cause, il leur incombait d’invoquer de manière concrète les circonstances justifiant une telle divulgation. L’argument des requérants selon lequel il revenait à la Commission d’examiner d’office l’existence d’un tel intérêt, même s’ils n’y avaient pas fait référence, ne saurait remettre en cause ce constat.

207    Certes, l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, qui prévoit les modalités pratiques des demandes d’accès aux documents en vertu de ce règlement, dispose que « [l]e demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande ». Toutefois, lorsqu’une institution recevant une demande d’accès constate que la divulgation visée pourrait porter atteinte à la protection de l’un des intérêts énumérés à l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement, comme l’a fait la Commission dans la réponse à la demande initiale, il appartient au demandeur qui souhaite voir l’institution en question réviser sa position en alléguant l’existence d’un intérêt public supérieur de présenter des arguments à cet effet, ainsi qu’il a été constaté aux points 196 et 197 ci-dessus.

208    Troisièmement, s’agissant des affirmations générales quant à leur souhait de pouvoir contrôler les pratiques des acteurs institutionnels chargés de la passation des contrats en cause et la licéité desdits contrats et de veiller à la bonne utilisation des fonds publics engagés par la Commission, les requérants n’étayent pas les motifs concrets qui justifieraient, en l’espèce, la divulgation plus large des contrats en cause. Dans ce cadre, il convient de relever qu’il n’appartient pas aux requérants d’établir dans quelle mesure le droit de l’Union en matière de passation de marchés et le droit belge, qui est le droit régissant les contrats en cause, ont été respectés. De même, il ne leur appartient pas d’assurer la protection des intérêts financiers de l’Union. En effet, le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), et le règlement 2016/369 tel que modifié par le règlement 2020/521 ainsi que les contrats en cause contiennent des dispositions habilitant la Commission, la Cour des comptes européenne et le Parquet européen à procéder à des audits et à des enquêtes, selon leurs compétences respectives. Par ailleurs, les requérants n’expliquent pas en quoi la divulgation des éléments commercialement sensibles occultés leur permettrait de se forger un avis éclairé quant à la passation conjointe des marchés pour les vaccins contre la COVID-19 ou quant à l’utilisation de fonds publics, alors que ces mêmes éléments seraient susceptibles d’être utilisés à l’encontre des entreprises concernées, voire même à l’encontre de la Commission et des États membres dans le cadre de contrats d’achat ultérieurs. Il s’ensuit que les requérants restent en défaut de démontrer précisément comment la divulgation des informations occultées contribuerait, de manière concrète, à assurer la protection des intérêts qu’ils invoquent.

209    Quatrièmement, en ce que les requérants soutiennent, en substance, que la divulgation plus large des contrats en cause serait nécessaire à leur bonne information et aux fins de consentir, de manière éclairée, à la vaccination contre la COVID-19, outre que ces affirmations sont de nature générale, elles reposent sur la supposition que les passages occultés des contrats en cause contiennent des indications scientifiques susceptibles de porter sur les éventuelles préoccupations du public en ce qui concerne l’utilisation des vaccins. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 202 ci-dessus, tel n’est pas le cas et, ainsi qu’il a été relevé au point 126 ci-dessus, les entreprises concernées sont tenues de respecter toutes les conditions prévues dans les autorisations de mise sur le marché. Partant, il ne saurait être considéré que les requérants ont démontré que la divulgation des informations occultées contribuerait de manière concrète à assurer la protection de l’intérêt public qu’ils invoquent.

210    Cinquièmement, doit être écartée l’argumentation des requérants selon laquelle la transparence présenterait une acuité particulière, les contrats en cause ayant participé à des atteintes à leurs droits fondamentaux. En effet, lesdits contrats n’établissent ni une obligation de se faire vacciner contre la COVID-19, ni une obligation de présenter une preuve de vaccination en tant que condition pour la levée des restrictions à la libre circulation mises en place par les États membres pour des motifs de santé publique. À cet égard, les obligations en ce sens émanent uniquement du droit national des États membres (voir, en ce sens, ordonnance du 29 avril 2022, Abenante e.a./Parlement et Conseil, T‑527/21, non publiée, EU:T:2022:278, points 22 et 23).

211    Enfin, en ce que les requérants invoquent la volonté d’exercice d’un contrôle démocratique des actions de la Commission, ainsi que la Commission l’a indiqué dans la décision attaquée, son activité administrative n’exige pas la même étendue d’accès aux documents que celle requise par l’activité législative d’une institution de l’Union (voir, par analogie, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 60, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 91).

212    Or, en l’espèce, les contrats en cause s’inscrivent dans le cadre d’une activité administrative.

213    Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que, à la date d’adoption de la décision attaquée, la Commission s’est prévalue de l’exception afférente à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées, étant entendu toutefois que, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, cette exception n’a pas vocation à s’appliquer pendant une période illimitée, mais seulement aussi longtemps que cette protection se justifie eu égard au contenu du document en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2010,InternationalerHilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, points 56 et 57).

214    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen, tel que circonscrit aux points 191 à 193 ci-dessus, comme étant non fondé.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

215    À l’appui du quatrième moyen, les requérants soutiennent que les mesures prises par la Commission violent le principe de proportionnalité.

216    La Commission conclut au rejet de ces allégations.

217    En l’espèce, pour les motifs exposés aux points 85 à 92 et 193 ci-dessus, l’examen du quatrième moyen ne concerne le refus partiel d’accès ni aux déclarations d’absence de conflit d’intérêts ni aux stipulations sur l’indemnisation des contrats en cause.

218    S’agissant du reproche fait à la Commission de ne pas avoir vérifié si la divulgation était proportionnée à l’atteinte portée aux intérêts des requérants, il convient de souligner que l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 prévoit que, si seulement une partie du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions, les autres parties du document sont divulguées et que l’examen de l’accès partiel audit document de la Commission doit être réalisé à l’aune du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, EU:C:2001:661, points 27 et 28).

219    La jurisprudence souligne en effet qu’il résulte des termes de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 qu’une institution ou un organe est tenu d’examiner s’il convient d’accorder un accès partiel aux documents visés par une demande d’accès, en limitant un refus éventuel aux seules données couvertes par les exceptions visées. L’institution ou l’organe doit accorder un tel accès partiel si le but poursuivi par cette institution ou cet organe, lorsqu’il refuse l’accès au document, peut être atteint dans l’hypothèse où cette institution se limiterait à occulter les passages qui peuvent porter atteinte à l’intérêt public protégé (arrêt du 12 septembre 2013,Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 84 ; voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, EU:C:2001:661, point 29).

220    L’analyse détaillée des différents documents, figurant dans la décision attaquée, fait apparaître que la Commission a examiné la demande d’accès aux documents dans le strict respect du principe de proportionnalité dont l’application dans le domaine de l’accès aux documents a été décrite par la jurisprudence mentionnée aux points 218 et 219 ci-dessus.

221    Compte tenu de ce qui précède, le quatrième moyen, tel que circonscrit au point 217 ci-dessus, doit être rejeté comme étant non fondé.

222    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle refuse, en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, un accès plus large aux déclarations d’absence de conflit d’intérêts signées par les membres de l’équipe conjointe de négociation et en ce qu’elle refuse, en violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, l’accès plus étendu aux stipulations relatives à l’indemnisation et de rejeter le recours pour le surplus.

223    Dans ce cadre, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à la Commission et d’indiquer les parties de documents auxquels un accès total ou partiel aurait dû être accordé, l’institution étant tenue, lors de l’exécution du présent arrêt et conformément à l’article 266 TFUE, de prendre en considération les motifs exposés à cet égard dans celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, point 133).

IV.    Sur les dépens

224    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non‑lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. La Commission ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite de la Commission européenne du 24 septembre 2021 rejetant la demande confirmative d’accès aux documents.

2)      La décision C(2022) 1359 final de la Commission, du 28 février 2022, prise en application de l’article 4 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, et accordant à M. Fabien Courtois et aux autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe un accès partiel à certains documents concernant l’achat de vaccins par cette institution dans le cadre de la pandémie de COVID-19, ainsi que la version française de ladite décision communiquée à M. Courtois et aux autres requérants dont les noms figurent en annexe, le 31 mars 2022, sont annulées pour autant que la Commission a refusé un accès plus large, d’une part, aux déclarations d’absence de conflit d’intérêts signées par les membres de l’équipe conjointe de négociation pour l’achat de vaccins contre la COVID-19 sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, aux stipulations relatives à l’indemnisation dans les contrats d’achat anticipé et les contrats d’achat conclus entre la Commission et les sociétés pharmaceutiques concernées pour l’achat desdits vaccins sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de ce même règlement.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission est condamnée aux dépens, en ce compris les dépens afférents à la requête dans sa version initiale.

SvenningsenMac EochaidhMartín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 juillet 2024.

Le greffier Le président
V. Di Bucci S. Papasavvas

Table des matières

I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la qualité pour agir des requérants

B. Sur l’objet du litige

C. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré du caractère incomplet de la liste des documents recensés comme entrant dans le champ de la demande d’accès aux documents

2. Sur le deuxième moyen, tiré de l’inapplicabilité des deux exceptions invoquées par la Commission pour justifier le refus d’accès aux documents demandés

a) Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’inapplicabilité de l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu (article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001)

b) Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’inapplicabilité de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux des entreprises (article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001)

1) Sur le refus partiel d’accès aux stipulations relatives aux propriétés des vaccins et au contrôle qualité

i) Sur la motivation de la décision attaquée

ii) Sur le bien-fondé de la motivation de la décision attaquée

2) Sur le refus partiel d’accès aux stipulations relatives à l’indemnisation

i) Sur la motivation de la décision attaquée

ii) Sur le bien-fondé de la motivation de la décision attaquée

– Sur les stipulations relatives à la responsabilité contractuelle

– Sur les stipulations relatives à l’indemnisation

3) Sur le refus d’accès à la liste des partenaires de réseau de fabrication et des sous-traitants des entreprises concernées

c) Conclusion sur le deuxième moyen

3. Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant l’accès intégral aux documents demandés

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

IV. Sur les dépens


* Langue de procédure : le français


1 La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=288382

Fournir une information scientifique objective et éclairée sur la crise sanitaire actuelle, sensibiliser aux enjeux sociétaux et politiques majeurs qui se profilent à l’horizon, alerter le public, rassembler les bonnes volontés et préparer l’avenir.